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La dernière nuit de Claude François

La dernière nuit de Claude François

Titel: La dernière nuit de Claude François
Autoren: Bertrand Tessier
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des bénédictins en soutane noire lui semble insupportable mais, plutôt que de se rebeller, il décide de l’accepter. Devenir un bon élève, c’est la meilleure solution
pour ne pas redoubler, et donc éviter de rester plus longtemps que prévu. Cela fonctionne si bien que les frères lui confient un rôle de premier plan dans la chorale ; il est vrai qu’il chante parfaitement. Ils vont même jusqu’à le nommer chef du réfectoire. Doté d’une remarquable mémoire, excellent dans les matières littéraires, il décrochera son brevet avec mention bien.
    Il est en train de forger son goût pour l’effort qui ne le quittera plus. Le travail, comme manière d’accéder à la liberté…

    Pour préparer son bac, ses parents l’inscrivent dans un lycée du Caire, alors qu’ils ont déménagé à Port Tewfik, à l’autre extrémité du canal, où son père a obtenu de nouvelles responsabilités.
    Il dispose d’une petite chambre dans une pension de famille tenue par une Italienne, connaissance de sa mère, et découvre la grande ville et ses tentations. Il se passionne pour Oum Kalsoum et Abdel Wahab. Passe ses journées dans les studios de Radio Le Caire, en face de chez lui, pour écouter en avant-première les disques venus de France. Découvre les magasins qui
importent des États-Unis des disques de jazz, de rythm’n’blues, mais aussi de cette étrange musique qui va bientôt révolutionner le monde, le rock’n’roll. Il se fait offrir une batterie et crée un orchestre avec ses copains de classe. La nuit, il s’étourdit dans les boîtes jusqu’à plus d’heure, en quête d’amourettes. Il s’enivre de la liberté retrouvée.
    Au lycée, ce qu’il préfère, c’est le sport. Il pratique la brasse papillon et le crawl à la piscine, et devient vite le meilleur coureur à pied de son lycée. Tous les matins, à 5 heures, son entraîneur, M. Karalli, vient le chercher pour le faire courir derrière sa vieille Fiat bleue, dans les rues du Caire endormies. Aux feux rouges, Claude est sommé de continuer sa course… autour de la voiture. Le dimanche, il l’emmène dans le désert et le fait courir sur le sable chauffé à blanc. La méthode le conduira à participer au Championnat d’Égypte du 1 500 mètres. Il finira deuxième, battu d’une tête, félicité par le général Nasser.
    S’il obtient la première partie du bac, avec arabe oral et écrit comme première langue vivante, il rate la seconde, à cause de l’italien : le calabrais que lui a appris sa mère n’est pas tout à fait la langue de Dante. « S’il y avait eu l’amour comme matière, j’aurais été reçu », s’amusera-t-il en souvenir de ses frasques d’alors.
Pour l’été, il revient à Port Tewfik, en attendant la séance de rattrapage de septembre.
    Mais, pour Claude, le temps de l’insouciance et de l’innocence est sur le point de s’achever. En juin 1956, quatre ans après les affrontements qui avaient provoqué le départ des Anglais, le colonel Nasser, celui-là même qui lui avait serré la main quelques mois plus tôt, devient président de la République. En quelque semaines, il redistribue la donne internationale, et, le 26 juillet, dans la foulée de la fête nationale, il annonce la nationalisation du canal de Suez. Les étrangers disposent d’un mois pour quitter le pays. Mais, le lendemain, Port Tewfik est en proie à un déchaînement de violence : les voitures des Européens sont brûlées, des hommes lapidés ou tués, des femmes violées. La statue de Ferdinand de Lesseps, promoteur du canal, est mise à terre. Un autre monde est en train de naître sur les cendres de l’ancien.
     
    Quelques jours plus tard, la famille François embarque sur un pétrolier suédois, à destination du Havre, abandonnant sur place la totalité de ses biens. Même les alliances sont confisquées.
    À la douane, Claude, dix-sept ans, est fouillé au corps.

    On lui arrache son enfance.
    Ce sera son dernier souvenir d’Égypte.

    Son père a l’impression que l’on vient de lui voler sa vie. Il ne s’en remettra jamais.
    Arrivé dans cette métropole où tout lui paraît grisâtre, Aimé François échoue à Monaco avec sa famille. Au moins le soleil brille-t-il plus souvent qu’ailleurs. La Compagnie de Suez lui a procuré un logement dans l’immeuble Continental, place des Moulins – minuscule à côté du grand appartement avec véranda donnant sur la mer Rouge que la famille occupait
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