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La Dernière Bagnarde

La Dernière Bagnarde

Titel: La Dernière Bagnarde
Autoren: Bernadette Pecassou-Camebrac
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d'équipage qui savent
déjà ces femmes là-dessous... L'ouvrir» ce
serait tenter le diable. On ne peut pas.
    Malgré
ces échecs, sœur Agnès ne se décourageait
pas. Ces deux derniers jours, elle était allée jusqu'à
harceler la mère supérieure dans sa cabine pour
l'implorer de renouveler sa demande auprès du co m mandant.
Mais elle lavait sentie très contrariée par son
insistance. Aussi
est-ce non sans une certaine appréhension qu'elle frappa une
fois encore à sa porte.
    Sous la
cornette immaculée qui lui donnait l'air encore plus dur, la
mère supérieure prit ce ton glacé et distant si
prompt à décourager son interlocuteur :
    — Encore
vous, sœur Agnès. Et toujours pour cette histoire de
m é nage,
je présume ?
    Sœur
Agnès sursauta. La mère supérieure réduisait
sa démarche à un problème dérisoire. Sans
se laisser démo n ter,
elle rectifia.
    — Ce
n'est pas qu'une histoire de ménage, ma mère, mais
d'assa i nissement,
de survie, fit-elle d'une voix douce en prenant soin d'aff i cher
un air des plus humble. Il faut vraiment faire quelque chose.
Moi-même, je n'ai plus le courage de descendre dans la cale,
l'odeur est i n soutenable.
J'ai trois malades et on va droit à l'épid é mie
si...
    — L'épidémie
! Comme vous y allez, coupa la mère supérieure. A l lons,
allons ! Si vous avez des malades, soignez-les, ma sœur.
L'infi r mière
c'est vous, non ? Le commandant fait son métier en gérant
le navire, faites le vôtre en vous occupant des malades.
    — Mais
vous êtes témoin, ma mère, hier on a frôlé
la cata s trophe...
    — Décidément,
les grands mots c'est une manie chez vous. Une c a tastrophe
c'est bien autre chose que cette petite bousc u lade,
croyez-moi. Et je ne vous ai pas attendue pour parler au commandant.
Je l'ai vu hier soir. Ses matelots s'attellent à des travaux
plus u r gents,
et de toute façon, il n'y a aucun risque. Ça peut
attendre un jour ou deux. Faisons co n fiance
au commandant. Il en sait beaucoup plus long que nous sur la
question.
    Sœur
Agnès essaya bien de dire encore quelque chose, mais la mère
supérieure ne lui en laissa pas le temps.
    — Dorénavant,
sœur Agnès, dit-elle d'un ton de reproche, veuillez être
plus respectueuse. Laissez chacun faire son métier. Ne me
déra n gez
plus pour un oui ou pour un non. Pour ma part, j'ai en charge les
âmes de ces femmes et je prie pour elles de l'aube jusqu'au
soir. Dieu entendra mes prières. Nous faisons tout ce qu'il
est po s sible
de faire, croyez-moi. Agissez de même !
    Sœur
Agnès s'inclina et partit La mère supérieure
avait coupé court avec cette autorité hautaine qui la
caractérisait. Il était inutile d'insi s ter.
    L'entrée
de la mère supérieure au couvent était une
histoire banale en son temps. Elle était née dans une
grande famille de Limoges. Elle aurait dû se marier.
    Mais
pour cela, il aurait fallu la doter richement, ce qui aurait ent a mé
le capital de la famille et fragilisé la position de son frère
aîné, l'héritier successeur. Elle avait subi le
sort commun des cadettes, à s a voir
le couvent. Épouser Dieu coûtait moins cher. Sœur
Agnès co n naissait
son hi s toire
d'amour contrarié, les couvents étaient remplis de
femmes aux amours brisées. Certaines s'en accommodaient, pas
la mère supérieure. Sa rancœur s'était
transformée au fil des a n nées
en une dureté qui perçait dans la moindre de ses
décisions. Tout le monde au couvent la critiquait à
mots couverts. C'était même la raison pour laquelle les
instances supérieures avaient décidé de
l'éloigner en l'e n voyant
accompagner les bagnardes à Cayenne. Quand sœur Agnès
avait appris qu'elle serait du voyage, elle avait failli annuler sa
d e mande
volontaire. Puis elle s'était résignée. Elle
partait pour aider les prisonnières, elle n'allait pas faire
marche arrière. Pourtant, cette fois, elle ne pouvait pas
laisser les dét e nues
agoniser dans leur cage puante à cause des vieilles rancœurs
de la mère supérieure. Elle décida d'aller
trouver le co m mandant.
    «
Après tout, se dit-elle, je suis la mieux placée pour
lui expliquer ce qui se passe. »
    Et
c'est convaincue du bien-fondé de sa démarche que, d'un
pas ferme, elle se dirigea vers la timonerie.

3
    Le
soleil se levait dans un ciel sans nuages et le navire traçait
sa route sur l'océan. La terre avait disparu depuis bien
longtemps, on ne voyait à l'horizon que des gerbes de mer
so u levées
par les
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