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La danse du loup

La danse du loup

Titel: La danse du loup
Autoren: Hugues De Queyssac
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têtière ni la jugulaire, puis je nouai les rênes autour d’un maigre rocher et lui présentai sa ration d’avoine. En fait de ration, elle faillit bien en avaler deux.
    Je retirai le bissac avant qu’elle ne me reprochât, demain matin, de n’avoir rien à se mettre sous la dent. Elle ressemblait plus à présent à un baudet qu’à un destrier. Je fus sur le point d’éclater de rire, mais je ne voulus pas la vexer. Elle avait parfois le caractère ombrageux.
     
    À l’intérieur de la grotte, j’étendis à même le sol la houssure qui la protégeait du froid et l’invitai à se coucher dessus. Elle accepta pour me remercier. Il est vrai que je l’avais bien dressée. En fait, nous nous entendions comme lard et cochon.
    À propos de lard et à défaut de cochon, je rassemblai péniblement quelques brindilles parmi les plus sèches que je pus trouver, puis je cassai quelques branches mortes couvertes de mousse brune pour nourrir le feu que je m’apprêtai à affouer, les doigts presque gelés.
    Je tâtai les poches de mes étuis pour y saisir le précieux briquet à étoupe et les alumelles soufrées qui me permettraient d’affouer les brindilles. Nenni. J’en vidai frénétiquement le contenu. Les unes après les autres. Toujours rien, ni soufre ni pierre à feu, seules quelques tranches de lard presque gelées tombèrent sur le sol verglacé. Quel niquedouille étais-je ! Je répugnais à manger de la viande crue. L’idée même me souleva le cœur que je commençai à avoir gros, et me donna la nausée.
    On m’avait bien dit un jour qu’il était possible de faire jaillir une étincelle en frottant vivement deux silex, l’un contre l’autre. Point de silex. Ou encore, d’affouer une tige de bois sec en la posant sur un galet et en lui donnant un mouvement de rotation rapide entre les deux paumes de la main.
    Des galets, il y en avait. Des tiges de bois aussi. J’en saisis une. Elle cassa. Une autre. Elle se brisa aussi. Le bois était gorgé d’humidité. À la septième tentative, plus exactement au septième échec, je renonçai à redécouvrir l’art du feu.
    Ma jument hissa sa puissante encolure de sa litière de fortune et me regarda pour me reprocher mon manque de prévoyance.
    Je lui flattai les naseaux et lui caressai les ganaches. Elle se calma et reposa sa tête. De toute façon, elle s’en foutait copieusement. Elle avait bouffé. Mais elle n’avait pas encore bu et mon outre de cuir ne contenait plus assez d’eau pour que je pusse la désaltérer.
    Sans feu, je ne pus point non plus faire fondre quelques poignées de neige dans son écuelle pour l’abreuver. Boire glacé, à supposer qu’elle l’acceptât, aurait pu lui apporter du malheur. Or chez nous, les animaux étaient souvent mieux traités que les hommes. Sans parler des dames. Question de priorité. Ou d’us et de coutumes.
    Dehors, la neige tombait à présent mollement à gros flocons et recouvrait le sol d’une couche de plus en plus épaisse qui devait s’écraser profondément sous la semelle des bottes. C’était certainement beau, mais peu m’importait. Je n’étais plus en état de jouir de cette beauté-là. Car cette fois, j’étais vraiment très mal barré, aurait dit le baron, toujours aussi friand de termes de marine depuis sa participation à la triste bataille de l’Écluse.
    Moi, j’aurais bien mis les voiles, même à jeun, si j’avais su retrouver mon chemin. Mais de chemin, il n’y en avait plus. Ma vue, et elle était bonne, portait à dix pas sur un monde blanc. Uniformément blanc. Blanc et silencieux. Pas même un renard, pas même un simple écureuil.
    Mon courage faiblit, ma volonté s’engourdit, ma vue se brouilla. Je n’avais pas seize ans et je pensai au père et à la mère que je n’avais pas connus. Le seigneur de Beynac m’avait recueilli alors que j’étais orphelin, m’avait élevé comme son fils, avec une générosité grande et froide. C’était sans doute sa façon d’aimer un fils qu’il n’avait pas eu.
     
    Outre le maniement de l’épée, de la hache de guerre et de la masse d’armes que m’avait enseigné Michel de Ferregaye, le capitaine d’armes, le baron m’avait appris lui-même l’art équestre, tant en tournoi que lors d’une charge lance couchée.
    Au lancer du javelot, au tir à l’arc bourguignon ou à l’arbalète à étrier, je ne brillais pas à en croire Étienne Desparssac, notre brillant maître des arbalétriers, qui
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