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La danse du loup

La danse du loup

Titel: La danse du loup
Autoren: Hugues De Queyssac
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m’initiait à leur apprentissage. Il me déconcentrait souvent par ses moqueries au moment même où je m’apprêtais à décocher une flèche ou un carreau sur une cible située à deux cents pieds, sous prétexte qu’à la guerre, pour atteindre sa cible, il fallait se concentrer et oublier les bruits du champ de bataille. Et les injures de l’ennemi. Il n’avait peut-être pas tort. Mais il m’irritait. Et pourtant, je l’aimais bien.
    Le baron de Beynac, mon maître et compère de baptême, je n’oserai dire mon père, m’avait fait apprendre à lire et à écrire le français et le latin par les chapelains de son église, dès ma tendre enfance. J’avais aussi appris l’arithmétique, la géométrie et le jeu des échecs par l’un de ses amis, un ingénieur arménien expert en fortification castrale.
    La librairie du logis seigneurial m’avait souvent été ouverte en présence uniquement du baron lui-même (il portait toujours sur lui l’énorme clef qui déclenchait l’ouverture de la serrure). J’y avais dévoré tous les splendides ouvrages qu’il avait offerts à ma curiosité tout en me recommandant moult précautions.
    Les parchemins étaient fragiles et les enluminures d’une beauté flamboyante. J’avais toujours dû passer par le cabinet de commodités pour m’y laver les mains avant d’avoir le droit de consulter les précieux documents. J’y avais appris de belles et grandes choses et m’exaltai à l’idée de conduire ma vie selon le bel et vertueux esprit de chevalerie.
     
    Mais à quoi bon, ce jour d’hui ? De moi, il ne resterait avant laudes, qu’une statue de glace. Avant que mon corps ne se décomposât avec le redoux et n’empuantît l’air au point que seuls les charognards y trouveraient leur compte.
    Quelques perles glissèrent sur mes joues. Quelques larmes que j’écrasai gauchement, mortifié par cet instant de faiblesse. Mais je pensai aussi à ma jument : qu’allait-elle devenir si je mourais dans la nuit, transi de froid, sans feu pour me chauffer, la faim au ventre, sans quiquionques pour lui servir quelque dernière ration d’avoine ?
    Je n’eus plus qu’un seul recours : prier et invoquer la Vierge Marie. Je m’agenouillai, joignis les mains, récitai une prière qui lui était consacrée, évoquai la Vierge de Roc-Amadour, la suppliai de venir à mon secours et m’assoupis, terrassé par le froid, la fatigue et les ténèbres de mon désespoir. Dans les brumes du sommeil fatal vers lequel je glissai irrésistiblement, je crus alors entendre un marteau frapper une cloche. Celle qui veillait sur les malheureux en détresse. Dans la chapelle de la Vierge, à Roc-Amadour ? Puis, ce qui ressemblait au hennissement d’un cheval, suivi du bruit métallique de fers qui glissaient sur le roc.
    Je soulevai mes paupières engourdies par le froid glacial d’une mort proche, me dressai séant. En fait, ma jument s’était levée aussi en me bousculant. Elle hennit de plus en plus fort. Ses sabots ferrés raclèrent le sol de la caverne l’un après l’autre.
    Ses naseaux fumèrent, sa puissante encolure oscilla dans un mouvement de balancier, autant de manifestations d’un violent émeuvement. Je tentai de porter la main à la garde mon épée. Devant moi se dressait une forme, plus exactement une silhouette blanche : un loup dressé sur ses pattes arrière ?
    À travers le rideau de neige, je n’en distinguai point les contours. Je devais dégainer mon épée sur le champ. D’épée, point. Je l’avais posée quelque part. Trop loin pour m’en saisir.
    En reculant prudemment, je réussis cependant à mettre la main sur le fourreau et tentai d’en extraire la lame. Je bandai mes muscles. Peine perdue. En gelant, le cuir s’était rétracté et bloquait mon espoir de survie à l’intérieur de la gaine.
    Mon arc ? Ma lancegaye ? Dans notre caverne dont l’obscurité était d’une épaisseur humide et palpable, je n’y voyais goutte. Mon carquois ? Il avait rampé sournoisement vers quelque anfractuosité du rocher qui nous avait abrités pour permettre à l’intrus de m’achever sans que je pusse nous défendre. Notre fin était proche. Je ne parvins plus à contrôler la terreur qui paralysait mon corps et envahissait mon esprit. J’étais rendu à merci.
     
    Dans un dernier sursaut, avant de subir ce que je pressentais déjà comme une douloureuse agonie, étripé et dévoré par une bête féroce, je me redressai, desforai
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