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La Comte de Chanteleine - Épisode de la révolution

La Comte de Chanteleine - Épisode de la révolution

Titel: La Comte de Chanteleine - Épisode de la révolution
Autoren: Jules Verne
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à grands pas.
    Avant dix heures, ils atteignirent le bourg de Piriac ; ils ne voulurent pas se hasarder dans ses rues et gagnèrent directement la pointe Castelli.
    De là, leur regard s’étendit sur la pleine mer ; à droite, se dressaient les rochers de l’île Dumet ; à gauche, le phare du Four jetait ses éclats intermittents à tous les points de l’horizon ; au large, s’étalait la masse sombre et confuse de Belle-Île.
    Le comte et son compagnon, n’apercevant aucune barque de pêcheur, revinrent à Piriac. Là, plusieurs chaloupes, ancrées sur le sable, se balançaient à la houle de la marée montante.
    Kernan avisa l’une d’elles, qu’un pécheur se disposait à quitter après avoir replié sa voile.
    – Oh hé ! l’ami ! lui cria-t-il.
    Le pêcheur interpellé sauta sur le sable et s’approcha d’un air assez inquiet.
    – Viens donc, lui dit le comte.
    – Vous n’êtes point de chez nous, dit le pêcheur après avoir fait quelques pas en avant. Qu’est-ce que vous me voulez ?
    – Peux-tu prendre la mer cette nuit même, dit Kernan, et nous conduire…
    Kernan s’arrêta.
    – Où ? fit le pêcheur.
    – Où ? Nous te le dirons une fois embarqués, répondit le comte.
    – La mer est mauvaise et le vent de surouë n’est pas bon.
    – Si on te paie bien ? répondit Kernan.
    – On ne paiera jamais bien ma peau, fit le pêcheur, qui cherchait à dévisager ses interlocuteurs.
    Après un instant, il leur dit :
    – Vous venez du côté de Savenay, vous autres ! Ça ronflait, là-bas !
    – Que t’importe ! fit Kernan. Veux-tu nous embarquer ?
    – Ma foi, non.
    – Trouverons-nous dans le bourg quelque marin plus hardi que toi ? demanda le comte.
    – Je ne crois guère, répondit le pêcheur. Mais, dites donc, ajouta-t-il en clignant de l’œil, vous ne dites que la moitié de ce qu’il faut dire pour qu’on vous embarque ! Qu’offrez-vous ?
    – Mille livres, répondit le comte.
    – Du mauvais papier !
    – De l’or, répondit Kernan.
    – De l’or, du vrai or, voyons un peu.
    Le comte dénoua sa ceinture et en retira une cinquantaine de louis.
    – Ta barque vaut à peine le quart de cette somme.
    – Oui ! répondit le pêcheur, les yeux allumés par la convoitise, mais ma peau vaut bien le reste.
    – Eh bien !
    – Embarque, fit le pêcheur en prenant l’or du comte.
    Il attira sa chaloupe vers la grève. Le comte et Kernan entrèrent dans l’eau jusqu’aux genoux et sautèrent dans l’embarcation ; l’ancre fut arrachée du fond du sable. Pendant ce temps, Kernan hissa la vergue, et la misaine rougeâtre se tendit au vent.
    Au moment où le pêcheur allait s’embarquer à son tour, Kernan le repoussa vivement et, d’un coup de gaffe, il rejeta la chaloupe à une dizaine de pieds au large.
    – Eh bien ! fit le pêcheur.
    – Garde ta peau, lui cria Kernan, nous n’en avons que faire. Ton bateau est payé.
    – Mais, fit le comte.
    – Cela me connaît, répondit Kernan, qui, bordant son écoute et tenant la barre, lança la chaloupe dans le vent.
    Le pêcheur, stupéfait, était resté muet, et quand il recouvra la parole, ce fut pour crier :
    – Voleurs de républicains !
    Mais déjà l’embarcation disparaissait dans l’ombre, au milieu de l’écume obscurcie des vagues.

III – LA TRAVERSÉE
     

    Kernan, comme il venait de le dire, n’était pas embarrassé de conduire une chaloupe ; il avait fait ses preuves comme pêcheur pendant sa jeunesse, et les côtes de Bretagne lui étaient familières depuis la pointe du Croisic jusqu’au cap Finistère. Pas un rocher qu’il ne connût, pas une anse, pas une baie qu’il n’eût fréquentée ! Il savait ses heures de marée et ne craignait ni écueil ni haut-fond.
    Cette barque que montaient les deux fugitifs était une chaloupe de pêche fine et basse de l’arrière, mais relevée de l’avant, et merveilleusement disposée pour tenir la mer, même par les gros temps ; elle portait deux voiles de couleur rouge, une misaine et un taille-vent.
    Le pont, qui régnait dans toute sa longueur, n’offrait qu’une seule ouverture destinée à l’homme de la barre ; elle pouvait donc passer impunément au milieu des vagues, ce qui lui arrivait souvent, quand elle allait pêcher la sardine par le travers de Belle-Île, et qu’elle revenait ensuite chercher l’entrée de la Loire pour la remonter jusqu’à Nantes.
    Kernan et le comte n’étaient pas
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