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La Comte de Chanteleine - Épisode de la révolution

La Comte de Chanteleine - Épisode de la révolution

Titel: La Comte de Chanteleine - Épisode de la révolution
Autoren: Jules Verne
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vain !
    – « On t’attend au château de Chanteleine », répéta le comte ! Qu’a-t-il voulu dire par ces paroles ?
    – De mauvaises choses, notre maître !
    – Et que faisait-il dans l’armée républicaine ?
    – Il commandait à une troupe de brigands de sa trempe.
    – Ah ! un digne officier des armées de la Convention, que j’ai chassé de chez moi, pour vol !
    – Oui ! les bandits font leur chemin, par le temps qui court. Mais les paroles de Karval n’en sont pas moins, terribles ! « Au château de Chanteleine », a-t-il dit ; il faut y courir !
    – Oui ! oui ! répondit le comte avec une exaltation douloureuse ! Mais ces malheureux et la cause catholique !…
    – Notre maître, dit gravement Kernan, avant la patrie, il y a la famille. Que deviendraient, sans nous, M me  la comtesse et ma nièce Marie ! Vous avez rempli votre devoir en gentilhomme ; vous vous êtes battu pour Dieu et le roi. Retournons au château, et, une fois les nôtres en sûreté, nous reviendrons. L’armée catholique est détruite, mais tout n’est pas fini ! croyez-moi ! on se remue dans le Morbihan ; je sais là un certain Jean Cottereau qui donnera du fil à retordre aux républicains, et nous l’aiderons à embrouiller l’écheveau.
    – Viens donc, dit le comte ; tu as raison ! Les paroles de ce Karval contiennent une menace ! Il faut que je conduise ma femme et ma fille hors de France, et je reviendrai me faire tuer ici.
    – Nous y reviendrons ensemble, notre maître, répondit Kernan.
    – Mais comment arriver au château ?
    – M’est avis, reprit le paysan, que nous devons rejoindre Guérande, de là, suivre la côte soit au Croisic, soit à Piriac, et gagner par mer une des baies du Finistère.
    – Mais une barque ? s’écria le comte.
    – Vous avez de l’or sur vous ?
    – Oui, près de quinze cents livres.
    – Eh bien ! avec cela on achète un bateau de pêche, et, s’il le faut, le pécheur par-dessus le marché.
    – Cependant ?
    – Il n’y a pas de choix, notre maître ; par terre, nous tomberions bientôt dans un parti de Bleus, ou, forcés de nous cacher, d’éviter les routes, de prendre par les traînées, de perdre du temps en marches et en contremarches, nous risquerions d’arriver trop tard, si nous arrivions…
    – Alors, en route, reprit le comte.
    – En route, répondit Kernan.
    Le comte de Chanteleine avait toute confiance dans ce Kernan, son frère de lait ; ce brave Breton faisait partie de la famille ; il appelait « ma nièce » M lle  Marie de Chanteleine, et la jeune fille le nommait « mon oncle Kernan ». Depuis leur enfance, le maître et le serviteur ne s’étaient jamais quittés ; le Breton, par l’éducation qu’il avait reçue, se trouvait supérieur aux gens de sa condition. Après avoir partagé les plaisirs de l’enfant, les fatigues du jeune homme, il venait de prendre avec lui sa part des misères et des malheurs de la guerre. Le comte, en partant pour rejoindre Cathelineau, aurait voulu laisser Kernan au château de Chanteleine, mais séparer le frère du frère eût été impossible ; d’autres serviteurs restaient, d’ailleurs, pour protéger la comtesse. Puis, la situation du château au fond du Finistère, loin de Quimper, loin de Brest, où s’agitaient les clubs républicains, dans un pays perdu entre le Fouesnant et Plougastel, rassurait le comte, et croyant sa famille en sûreté, il n’avait pas hésité à se jeter dans le mouvement royaliste.
    Seulement la rencontre de Karval, ancien domestique du château, et chassé un an auparavant pour vol, ses menaces, ses paroles, créaient un danger immédiat au-devant duquel il fallait voler.
    Le comte et Kernan se jetèrent donc en dehors de la route, au moment où les fuyards arrivaient aux marais de Saint-Joachim. Ils entrevirent une dernière fois cette colonne effarée qui se perdait au milieu des ténèbres et dont les cris s’éteignirent peu à peu dans l’ombre de la nuit.
    À huit heures du soir, le comte et Kernan arrivèrent à Guérande. Ils devançaient d’une demi-heure à peine les plus rapides des fugitifs ; les herses de la ville étaient levées, mais, par la poterne, ils pénétrèrent dans ses rues désertes.
    Quelle morne tranquillité comparée à l’horrible fracas de Savenay ! Pas une lumière aux fenêtres, pas un passant attardé ! La terreur enfermait les habitants dans leurs maisons noires, sous les
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