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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite
Autoren: Mireille Calmel
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François de Chazeron, que la pluie avait ramené vers l’intérieur de la tour du guet, se précipita pour tenter de forcer l’obscurité de son œil pervers, mais il ne vit rien que la forêt battue par la colère de l’orage.
    Il rentra, satisfait néanmoins d’avoir joui de son caprice. Dès demain, il regagnerait Vollore. Il passa une main dégagée sur ses vêtements ruisselants et ouvrit des yeux ronds. Là dans sa paume, parmi les cheveux bruns d’Isabeau, tristes vestiges de sa cruauté, des poils de loup gris le narguaient de leur diabolique présence.

1
     
     
     
    On aurait dit que l’obscurité tout entière était aspirée dans un tourbillon de craquements, de gémissements, de ruissellements et de heurts. Comme s’il fallait qu’il ne reste plus rien d’entier, de solide sur cette terre inondée depuis de longues semaines.
    Le vent s’était levé vers vêpres, alors que la nuit accrochait sereinement quelques étoiles sur son mantel. Puis les nuages les avaient couvertes à leur tour, et nul alors n’avait osé braver la colère du Tout-Puissant.
    Les loups s’étaient terrés au plus secret de la montagne thiernoise et aucun humain n’avait plus relevé la tête de son chapelet, tremblant jusqu’au creux de ses reins à chaque déchirure.
    La tempête avait régné, cette nuit d’octobre 1515. Quelques semaines seulement après la bataille de Marig nan qui avait vu la victoire du jeune roi de France, François I er , sur le duc de Milan.
    –  Hissez ! Allons, hissez, que diable ! s’emporta Huc de la Faye.
    Il cracha dans ses paumes rugueuses et prêta main-forte aux manants et aux bûcherons qui s’arquèrent de toutes leurs forces sur la corde de chanvre épaisse enroulée autour de l’arbre, dans l’espoir de faire enfin bouger le colosse de bois. Ils étaient vingt, les plus costauds du pays, à œuvrer depuis l’aube, dégageant les toits acravantés 1 par des branches ou des troncs entiers, mais celui-ci était d’une autre trempe.
     
    1 éventré

Le vieux chêne, plusieurs fois centenaire, s’était abattu sur une des tours du château de Vollore, balayant sans vergogne toitures et charpentes dans un fracas assourdissant. Ebrancher le vénérable avait pris la journée et le château ressemblait à une ruine béante plantée d’un pieu géant. Il fallait désormais redresser le tronc d’une trentaine de mètres pour délivrer la bâtisse.
    Huc de la Faye jura et se reprit à l’effort, sous le regard inquiet des gens de la maisonnée qui assistaient en priant à l’effrayante manœuvre.
    –  Il vient, messire, par Dieu, il bouge ! siffla entre ses dents un hercule dont une veine bleue palpitante barrait la tempe.
    –  Hissez ! Hissez ! ragea Huc en réponse, le teint rouge et l’œil piqué de sueur.
    Lentement, comme un mât de navire décroché enfin de ses haubans, le tronc s’éleva sous la cordée des vingt hommes qui reculaient.
    –  Voltez ! Voltez ! hurla Huc tandis que d’un même élan les bûcherons déviaient l’ascension du chêne pour l’écarter de la bâtisse.
    Ils lâchèrent en même temps et leurs cris se mêlèrent au fracas du bois contre la terre détrempée. Huc de la Faye passa une main meurtrie par les fils de chanvre sur son front moite puis félicita d’une accolade le maître bûcheron.
    –  Beau travail, Béryl, beau travail !
    –  Par Dieu, il m’aura fait grand-peine et donné grand-soif, répliqua celui-ci en claquant sa langue dans une bouche épaisse.
    –  Holà du château, s’écria joyeusement Huc, qu’on porte à boire à nos gens, et vite !
    Aussitôt, quelques servantes s’enfuirent en relevant leur jupon pour mieux courir, tandis que les hommes s’activaient encore à détacher les cordages, à débarder le tronc et à le rouler vers d’autres, couchés dans le parc du château.
    –  Triste spectacle ! grogna Béryl en crachant à ses pieds.
    Huc se contenta de hocher la tête.
    De la splendeur de Vollore, il ne restait ce matin qu’une bâtisse aux vitres brisées et aux jardins aplatis par les dizaines d’arbres déracinés ou déchiquetés. Il en était de même dans tout le pays. La forêt semblait un monceau de bois arrangé pour la flamme, et de nombreuses bâtisses étaient à reconstruire ; sans parler des gens blessés ou tués qu’on avait transportés à l’abbaye du Moutier, miraculeusement épargnée.
    Huc de la Faye s’avança au-devant d’un page qui portait
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