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La chambre maudite

La chambre maudite

Titel: La chambre maudite
Autoren: Mireille Calmel
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fins et longs cheveux bruns.
     
    Depuis quelques jours, le fond de l’air avait fraîchi sensiblement sans que la forêt qui recouvrait les monts d’Auvergne ait changé de visage. À peine trouvait-on quelques plaques de givre aux cernes des ornières, de Clermont-Ferrand jusqu’à Thiers. Sur les terres du seigneur de Chazeron, décembre s’achevait dans la mollice 1 de cette année 1500, malgré quelques averses subites et froides.
    François de Chazeron s’était installé à Montguerlhe, afin d’être au cœur de l’activité déployée par son prévôt.
    1 douceur

La triste découverte de Huc de la Faye avait assis la superstitieuse rumeur qu’un loup-garou narguait l’Église, en conséquence de quoi il ne pouvait être que Satan lui-même. L’ampleur que prenait cette affaire déplaisait à François.
    Orgueilleux, autoritaire et suffisant, ce jeune seigneur de vingt et un ans aspirait davantage à attirer l’attention de ses pairs pour obtenir une charge plus importante, à valoriser ses domaines de Vollore et Montguerlhe, qu’à s’occuper des incertitudes de ses gens.
    Pour l’heure, François de Chazeron se rendait avec Huc à la ferme de Fermouly où, deux semaines tout juste après le meurtre de l’abbé Barnabé, une fillette de onze ans avait affirmé avoir vu un loup gris rôder le long des murailles. La ferme se trouvant sur le trajet entre Thiers et Montguerlhe, à peu de distance du lieu de l’agression, le prévôt n’avait voulu écarter aucune hypothèse, même si déjà, à plusieurs reprises, les témoignages spontanés qu’il avait recueillis n’avaient eu d’autre source que l’imagination des manants.
    François l’avait accompagné. Cette hypothétique chasse au garou lui permettait au moins de se montrer un peu sur ses terres, ce qu’il avait négligé de faire depuis qu’un nouveau siècle s’annonçait, ouvrant à ses travaux d’alchimiste de passionnantes perspectives.
    Depuis de longs mois, dans le secret d’une tour du château de Vollore, ses alambics distillaient l’alkaheist, cette pierre philosophale qui changerait le plomb en or et assiérait sa richesse.
    Il touchait au but, il le savait, il le sentait. Peu importaient les moyens d’y parvenir. La jouissance qu’il tirait de ses expériences valait tous les sacrifices. Et il ne lui faudrait plus longtemps à présent pour briller à la cour de France.
    Or donc, toute cette affaire l’ennuyait, l’éloignait de ses priorités, de son athanor 1 et de ses lubriques satisfactions.
    C’est en songeant à ce plaisir frustré qu’il pénétra dans l’enceinte de la ferme de Fermouly où son métayer Armand Leterrier l’attendait.
     
    1 Grand alambic

 Tandis que le prévôt prenait le témoignage de l’enfant, sa fille cadette au regard d’un bleu métallique, le métayer entreprit de présenter à François les comptes de la ferme.
    Tout cela occupa l’esprit du seigneur de Vollore quelque temps ; jusqu’à ce que son œil accroche une silhouette fine et gracieuse qui, de l’autre côté de la fenêtre, dans la cour, distribuait au venant des graisses aux volailles. Un pincement aigu s’immisça dans le creux de ses reins.
    –  Qui est-ce ? demanda-t-il à brûle-pourpoint au métayer, coupant une phrase emplie de chiffres qu’il ne retint pas.
    Armand Leterrier suivit du regard celui de son maître et, fier de son intérêt soudain, répondit sans malice :
    –  Mon aînée, Isabeau.
    –  Pardieu mon ami, s’exclama François dont la prunelle s’orna d’un éclair sauvage, elle est bien jolie et délicate. Comment se fait-il que je ne l’aie point vue auparavant ?
    –  Vous l’avez vue sans doute, messire, mais elle a bigrement changé depuis votre dernière visite. A quinze ans, elle est tout le portrait de sa défunte mère et se comporte comme une vraie dame. Mais elle ne sera bientôt plus de ma maisonnée, puisque je la marie vendredi en quinze au Benoît, le fils du coustelleur 1 de la Grimardie.
    –  Tu la maries, dis-tu. Sans mon autorisation ?…
    Le ton s’était fait sec. Armand se mit à bafouiller en tordant le bonnet qu’il avait posé sur ses genoux au début de l’entretien.
    –  Que nenni, messire, que nenni ! C’est votre défunt père qui avait béni les fiançailles de ces jouvenceaux voici deux ans et fixé la date des épousailles. J’ignorais qu’il me faudrait votre consentement de surcroît.
     
    1 coutelier

–  Celui de mon père
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