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La Cabale des Muses

La Cabale des Muses

Titel: La Cabale des Muses
Autoren: Gerard Hubert-Richou
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champignons et salades. Quand tout le monde fut à peu près rassasié et avant la venue des douceurs et entremets, le marquis acheva son compte rendu :
    — Pour n’être pas retournés à l’école de Picpus, vous ne savez sans doute pas que, dès la fuite du couple Van den Enden, monsieur de La Reynie procéda à l’arrestation du gendre Kerkerin contre lequel on tenait assez d’éléments à charge. Il saisit des papiers, des livres et des documents fort compromettants, si toutefois on avait besoin de preuves supplémentaires. Auguste des Préaux et la marquise de Villars sont également derrière de solides barreaux après une longue traque par toute la Normandie, et n’échapperont pas à leur sort. Ce qui est regrettable pour une si jolie et si experte femme, n’est-ce pas commissaire ?
    Surpris d’être interpellé de la sorte, Géraud releva la tête :
    — Pardon, monsieur ?
    — Vous êtes fait, mon brave ! ironisa Seignelay. Pris la main dans le sac, si je puis m’exprimer ainsi. Un bien agréable sac de dentelle parfumée. Rien ne nous échappe ! Grand bien vous fit. D’autre part, nous savons que vous êtes capable de vous montrer respectueux, galant et magnanime.
    — Louisette ?
    — Laquelle a assuré un rôle prépondérant et vous est reconnaissante. Il faudrait peu pour que désormais elle le soit davantage…
    — J’y songerai, monsieur, à l’occasion.
    — Pour finir, notifia-t-il à l’intention de tous, Renée-Maurice d’O, si éprise du chevalier, a été innocentée, ainsi que le marquis de Guiche qui n’a eu que le tort d’avoir des amitiés pour La Tréaumont. On ne sait pas toujours en qui on place sa confiance. Tenons à présent des propos plus réjouissants et, avec le plus grand plaisir, je passe la parole à mademoiselle Anceau qui a sans doute d’aimables déclarations à nous accorder.
    Virginie tourna ses regards énamourés vers son beau mousquetaire pour recevoir un assentiment qu’il lui accorda d’un battement de paupières à peine moins languissant. Elle gonfla sa charmante poitrine et se lança :
    — Il ne faut jamais désespérer, même des situations qui paraissent irréversibles. La ténacité et la prière peuvent avoir raison des réticences et des oppositions les plus farouches. Ainsi, mon père me refusant à un militaire couvert de gloire mais désargenté et à l’avenir incertain, arguait aussi de sa propre situation. Ce dramatique complot eut pour avantage de faire céder mes parents et accepter notre union quand le roi en personne, reconnaissant du service essentiel que Jean-Charles a rendu à la couronne, offrit son soutien.
    — Mieux encore ! enchaîna l’amoureux radieux. Les honneurs et la prospérité qui m’étaient promis inquiétèrent Virginie. Elle craignit que j’en vienne à former d’autres desseins plus proportionnés à mon ambition. Elle fut assurée que tous mes désirs n’étaient que de partager avec elle tout ce que la faveur m’apporterait de bien et d’élévation. Si bien que son père, qui se trouve désormais dans une condition inférieure à la mienne, se montre « tout heureux et tout aise », comme disait monsieur de la Fontaine, que je consente toujours à épouser sa fille.
    — Épilogue fortuné s’il en est ! intervint encore le marquis. Il me semble équitable que nous entendions aussi la deuxième jeune demoiselle de la tablée, si sage et discrète, avant que l’on nous serve ces délicates pâtisseries que je vois poindre du côté des cuisines. Lisa, qui s’est montrée d’une bonne éducation depuis le début de ce festin, accepterait-elle de nous accorder quelques mots à propos de ses expériences ?
    Lisa attendait et redoutait cet instant. Elle repoussa sa chaise et se leva afin de dominer un peu l’assistance et apporter de la solennité à ses paroles. Son œil vif et fripon atténua son air sérieux :
    — Merci de me donner la parole, monsieur le marquis… Qui suis-je à présent ?... Que vais-je devenir après ce que vous nommez « mes expériences », brutalement interrompues ?
    — Fichtre ! répliqua Seignelay éberlué. Voilà une introduction joliment construite et troussée dans la bouche d’une si jeune personne. C’est à regretter qu’Affinius ne se soit pas contenté de consacrer sa carrière à sa science de l’enseignement qui se révèle furieusement efficace. Poursuivez, belle enfant, nous sommes suspendus à vos lèvres.
    Lisa
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