Joséphine, l'obsession de Napoléon

appartements et s’alita. Lors de la promenade avec le tsar, le décolleté avait invité la pleurésie.
    Le lendemain, Joséphine ne put recevoir les grands-ducs Nicolas et Michel.
    Le 25, elle était toujours au lit, indignée d’un article de journal où l’on disait que le tombeau de Napoléon Charles, le fils défunt d’Hortense, devait être déplacé de Notre-Dame. Elle était agitée, souffrait d’une toux sèche et respirait difficilement.
    Le 26, le tsar envoya son médecin, qui la trouva mal en point. Le 27, le tsar vint aux nouvelles ; elle ne s’était pas remise.
    Le 28 au soir, elle perdit connaissance et quand elle se fut ressaisie, marmonna :
    — Bonaparte… L’île d’Elbe… Le roi de Rome… Bonaparte… L’île d’Elbe…
    Puis elle s’endormit.
    Le 29 au matin, Hortense et Eugène entrèrent dans sa chambre. Elle leur tendit les bras et les embrassa.
    L’instant d’après, elle était partie.
    Elle avait cinquante et un ans. Elle fut inhumée dans l’église de Rueil.
    Le matin du 5 mai 1821, à Sainte-Hélène, Napoléon Bonaparte, alité, murmura :
    — Tête… Armée… Joséphine… France…
    Puis il rendit l’âme. Il avait lui aussi cinquante et un ans. La mort lui avait assigné la même limite qu’à Joséphine. Ni son ambition, ni sa folie, ni ses trahisons ne l’avaient détaché de celle qu’il avait tant désirée quand il l’avait vue pour la première fois, chez Barras.
    Il ignorait que le soleil se lèverait toujours dans l’axe de l’Arc de Triomphe qu’il avait fait construire, le 15 août, jour de sa naissance.

 
    POSTFACE
    La bibliographie sur Napoléon et Joséphine est considérable et n’est sans doute pas close. Une vie suffirait à peine à la lecture de ces ouvrages. Leur caractère le plus frappant est qu’il n’en est pas deux qui offrent la même image. Des auteurs de l’époque aux contemporains, chacun propose une version différente de Joséphine et de Napoléon – car ils sont indissociables.
    Voilà la réponse à la question que certains pourraient se poser ou me poser : pourquoi un livre sur Joséphine au XXI e siècle, alors qu’on est censé avoir tout dit sur elle et son couple ? Or, si l’on a tout noté, on n’a pas tout dit, et ce que l’on a dit l’a souvent été d’un point de vue préétabli.
    L’on aura jugé si tel est le cas de ces pages.
    La lecture des livres cités plus bas commença bien avant que la moindre idée d’y ajouter un titre m’eût effleuré. Elle fut motivée par l’intérêt pour la tendance spontanée des esprits les plus distingués à mythifier les hommes et les femmes dont l’histoire a gardé le souvenir, et dont certains tendent à penser qu’ils auraient changé l’histoire, alors qu’ils en furent plutôt les instruments selon un dessein mystérieux. On en verra ensuite un exemple.
    Ainsi, la célébrité comporterait-elle toujours une leçon.
    L’on est d’abord frappé, quand on lit certains témoignages d’époque sur Joséphine, par leur ton hagiographique ; ils sont proches des vies de saints. Joséphine aurait été la plus belle, la plus gracieuse, la plus élégante, la plus tendre, la plus fidèle, la plus noble, la meilleure des femmes du monde. Mariée au plus grand des héros de l’Europe depuis Charlemagne, elle aurait été victime des exigences dynastiques. Mais son amour pour Napoléon survécut à son divorce forcé.
    Pas un mot sur les années galantes, et pour tout dire vénales, de Joséphine après la Terreur, ni sur ses infidélités conjugales. La plus  passionnée semble avoir été sa liaison avec Hippolyte Charles ; mais, soucieux de ne pas écorner la légende, certains auteurs modernes en ont même mis l’existence en doute.
    Ce parti pris d’idéalisation – on est tenté d’écrire de « pasteurisation » – ne correspond ni aux exigences de l’histoire, ni même à celles du roman ; c’est de la mystification.
    Or l’histoire de Joséphine n’est compréhensible que par ses contradictions. C’est celle d’une femme galante, passablement corrompue et notoirement infidèle, qui fut pourtant possédée par l’amour pour un homme lui-même infidèle, impétueux, tempétueux même, qui divorça pour des raisons dynastiques, fortement teintées de mégalomanie. Et leur amour flamba, consumant ces scories.
    Il fallut donc partir à la recherche des faits.
    Or les informations sur des personnages dont on eût supposé qu’on