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Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Titel: Jeanne d'Arc Vérités et légendes
Autoren: Colette Beaune
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d’homme par une femme, l’Église oppose
de nombreuses objections. Commençons par celles qui relèvent de la moralité. Ce
port tout à fait inhabituel est à la fois un scandale et un mensonge. On ne
saurait être extérieurement un homme et en dessous une femme, une fois le
vêtement enlevé. Être et paraître doivent obligatoirement coïncider. Une femme
doit être vêtue comme une femme, un roi comme un roi et un paysan humblement
habillé de couleur sombre et terne, conformément à son statut. Chacun à sa
place, sexuelle ou sociale. L’habit d’homme est aussi contraire aux bonnes
mœurs. Ainsi vêtue, une femme impudique peut plus facilement fréquenter les
hommes, voire même avoir accès aux lieux réservés aux hommes. Et même une femme
pudique devient alors tentatrice, puisque le costume masculin, très sexué au XV e siècle, souligne les épaules et se termine par des chausses très moulantes. Le
costume féminin, beaucoup moins coloré que celui des hommes, est fait au
contraire pour dissimuler les formes. Les longues robes à traîne cachent même
la cheville. L’habit d’homme est donc contraire à l’honneur féminin.
    À ces objections morales s’ajoutent des versets des
Écritures. Le Deutéronome interdit strictement cette pratique : « Que
l’homme porte un habit de femme ou que la femme porte un habit d’homme, ceci
est abominable à Dieu. Quiconque agit ainsi sera excommunié. » Cet
interdit de l’Ancienne Loi était-il encore valable sous la nouvelle loi
évangélique qui était venue la parfaire ? Pas obligatoirement. Au haut
Moyen Âge, dans le monde byzantin, un certain nombre de saintes femmes avaient
pris l’habit de moine au désert (un choix impossible alors au sexe féminin).
Elles avaient vécu incognito jusqu’à leur mort, où leur secret se révélait. Le
problème avait préoccupé saint Thomas à la fin du XIII e siècle. Le
port de l’habit d’homme resta interdit, mais il devenait possible en cas de
nécessité : pour voyager en pays lointain et peu sûr, pour sauver sa vie
ou son honneur, en période de guerre. La nécessité était par nature de l’ordre
de l’exception et ne pouvait durer. Pour Jeanne, qui avait porté l’habit
d’homme pendant deux ans, elle ne pouvait guère être plaidée. La Pucelle argua
alors de la volonté de Dieu : Il lui avait prescrit l’habit d’homme tant
que sa mission n’était pas terminée et tous les Anglais boutés hors de France.
Elle fit de cet habit, que les juges considéraient comme un mensonge, le signe
de sa vérité.
    Aucune difficulté en revanche pour Claude, qui ne
revendiquait l’habit d’homme qu’au titre d’une profession particulière, celle
d’homme d’armes. Quand les parlementaires parisiens la relâchèrent en 1440,
elle retourna s’enrôler.
    Porter l’habit d’homme, c’était aussi plus ou moins
revendiquer l’accès aux tâches masculines. Les juges de Rouen l’ont compris
aussi. Pour eux, le monde a été créé par Dieu, lequel a voulu qu’il y eût deux
sexes, à la fois semblables et différents. Semblables parce que pareillement
créés par Dieu, voués à L’aimer et à Le servir, et promis au salut. Du point de
vue de la grâce, explique Thomas d’Aquin, l’homme et la femme sont égaux mais,
en ce monde terrestre, il y a hiérarchie et différence. La femme, créée en
second, est inférieure à l’homme, qu’elle a pour mission d’aider (en
participant à la procréation). Cette différence de vocation entre hommes et
femmes fut confortée au XII e siècle par la pénétration des idées
aristotéliciennes dans les universités. La Nature voulait que la femme soit
inférieure à l’homme. Aux femmes, l’espace domestique, aux hommes, la politique
et la guerre. Les idées d’Aristote avaient ainsi renforcé la misogynie
traditionnelle de la plupart des clercs.
    Ni Jeanne ni Claude à sa suite ne revendiquèrent l’accès à
toutes les tâches masculines. Ni le sacerdoce ni la culture universitaire ne
les intéressaient. Seules la parole publique et la guerre furent assumées aux
yeux d’un public enthousiaste, réticent ou surpris.
    Le fait qu’une femme parle en public est aujourd’hui de peu
de conséquence, puisqu’il ne s’agit que d’une simple affaire de communication
réussie ou non. Au Moyen Âge, en revanche, la parole était sacrée, qu’il
s’agisse de celle de Dieu («  Que la lumière soit  ! ») ou
de celle du prêtre (« Ceci
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