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Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Titel: Jeanne d'Arc Vérités et légendes
Autoren: Colette Beaune
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de
méthode
    « Nous sommes au Moyen Âge, dans un monde irrationnel
fait d’un mélange de symboles, de magie, de religion, de secrets, de
sorcellerie [5]  »
Le mythographe n’aime guère le Moyen Âge, époque où le surnaturel et le
merveilleux seraient partout présents. Aujourd’hui, croit-il bon de préciser,
« aucune personne sensée [6]  »
ne croit plus à ces balivernes et la raison règne en maître !
    Il faudrait donc porter un regard neuf sur l’histoire de
Jeanne d’Arc. En vertu de ce postulat, les historiens universitaires,
concurrents explicites du mythographe, sont évacués, à l’exception du très laïc
Anatole France. Avec trois citations (si l’on peut dire), je suis le médiéviste
contemporain le plus utilisé. Une fois pour une chose que j’ai réellement
écrite : « Car, au Moyen Âge, il est admis que Dieu peut intervenir
dans la vie des hommes [7]  »,
un peu plus loin on m’attribue une erreur à propos de Marie Robine [8] qui ne m’appartient pas (une interversion
de fiches !) et, enfin, je ne suis pas citée pour une présentation
sceptique et probablement mienne du miracle qui sauve la vie au duc d’Alençon [9] , que notre mythographe reprend. Mais les
universitaires ne sauraient, c’est évident, porter un regard critique sur
Jeanne !
    Supposons qu’on puisse décider d’un trait de plume de ne pas
tenir compte de cinq siècles de recherches savantes. Il faudrait au moins des
sources d’époque. Or, elles sont partielles, allusives et la plupart du temps
non référencées. Du côté armagnac, seuls la chronique de Perceval de Cagny et
le Mystère du siège d’Orléans seront réellement utilisés. Toutes les chroniques
orléanaises seraient selon eux en revanche « très
discutables » ; à l’étranger les chroniques Morosini et Windecke
« sont à considérer avec beaucoup de prudence ». Je dirais même que
toutes les sources sont dans ce cas ! Les chroniques bourguignonnes
seraient « des récits parfois sans grande valeur historique », ce qui
n’empêche pas nos mythographes d’en reprendre toutes les conclusions et
d’oublier complètement de tenir compte des textes armagnacs.
    À ces textes, on fait d’ailleurs subir des traitements
curieux. Prenons le Journal d’un Bourgeois de Paris [10] que j’ai édité pour « Lettres
gothiques ». Cette source bourguignonne essentielle suit, année après
année, les événements entre 1409 et 1449. Jeanne « avait dix-sept
ans » devient ainsi : « Elle avait vingt-sept ans [11] . » La condamnation à la prison
perpétuelle de 1431 devient : « Elle fut condamnée à quatre ans et
demi de prison [12]  »,
ce qui permet de faire sortir Claude des Armoises de sa boîte au début de 1436.
La page sur la fausse Jeanne [13] fait l’objet d’un extraordinaire travail de ciseau dans le film d’Arte. Une
phrase sur deux du rédacteur médiéval est supprimée pour lui faire dire ce
qu’il n’a pas dit. Le Bourgeois, lui, croit que Jeanne est morte à Rouen et que
Claude est un imposteur. Il n’a pas lu le livre, il n’a pas vu le film.
    Les sources en latin pour lesquelles il n’existe pas de
traduction ou celles qui sont parues après le monumental travail de Quicherat
au milieu du XIX e siècle sont
très rarement prises en compte.
    Serait-il possible de mettre au rancart la vieille méthode
historique et d’« instruire l’affaire de Jeanne, déjà vieille de cinq
siècles, comme s’il s’agissait d’un événement d’actualité [14]  », de substituer aux procédés des
historiens ceux des journalistes ? Mais on ne peut abolir magiquement la
distance historique entre le XV e et le XXI e siècle : même
parti d’un bon pas, nul journaliste de terrain ne saurait aujourd’hui prétendre
interviewer les anciens combattants de la guerre de Cent Ans ! Peut-on
vraiment ne recourir qu’à l’examen des vieilles pierres et aux traditions
orales pour faire la lumière sur Jeanne ? Il y a une limite à ce qu’on
peut demander aux pierres ! D’ailleurs, elles ne parlent guère qu’aux
archéologues. Celles de la grande salle de la forteresse de Chinon où
Charles VII et la Pucelle se rencontrèrent effectivement ne diront jamais
s’il y eut une ou deux entrevues, s’il y avait un secret entre eux, ni la
nature de ce secret. Et les portraits du château de Jaulny resteront
désespérément muets tant que leur datation n’aura pas été établie. De toute
façon,
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