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Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Titel: Jeanne d'Arc Vérités et légendes
Autoren: Colette Beaune
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non sur les
faits eux-mêmes, mais sur les valeurs de la société qui l’a inventé.
    Les mythes contemporains de Jeanne font donc partie de son
histoire. Ils ont provoqué tour à tour son succès puis sa perte. L’historien se
doit de mesurer pour chacun sa part de vérité et de contre-vérité, déterminer
qui dit quoi, où et pourquoi. Son rôle n’est pas du tout, en suivant la
mythologie armagnac, de décrire une Jeanne merveilleuse et sainte, mais il
n’est pas non plus, en suivant la mythologie bourguignonne, de réduire celle-ci
à un fantoche banal et sot. Entre le Dieu des Armagnacs et la pure et simple
manipulation des Bourguignons, il y a bien des possibles. Il faut à l’historien
rendre compte de leur totalité.
    La mémoire de Jeanne était née dans le déchirement. Elle y
resta. La victoire de la monarchie et l’écriture d’une histoire nationale de
plus en plus unitaire font prévaloir au XVI e siècle la vision des Armagnacs. Celle des Bourguignons subsiste en contrepoint
chez les protestants et nourrit l’illusion d’une Jeanne cachée au grand public
mais qui serait la vraie. Le XVII e siècle continue dans cette voie. L’apologie de Jeanne est l’œuvre du cardinal
de Richelieu avant de passer aux mains des jésuites. La fin du siècle est
marquée par l’apparition d’un mythe nouveau : Jeanne aurait survécu au
bûcher sous la forme de Claude des Armoises. Cette affirmation a, dans un
premier temps, surtout pour but de rendre plus prestigieux les descendants de
celle-ci et ne fonctionne qu’à titre privé et familial. L’ère des Lumières est
très défavorable à la réputation de Jeanne. Certains ne font plus confiance à
la monarchie, d’autres doutent de l’Église. La Raison triomphante ne croit plus
aux voix, ni à la virginité de la fille de Domrémy. « Le plus difficile de
ses travaux fut de conserver son pucelage », écrit méchamment Voltaire.
    Le XIX e siècle est le grand siècle de Jeanne, tant sur le plan de l’histoire savante
que sur celui du mythe [18] .
Vers 1850, le chartiste Quicherat publie en cinq volumes l’ensemble des procès
et des autres sources connues de son temps. Les biographies se multiplient côté
catholique (H. Wallon, M. Sepet) et côté laïc (J. Michelet, Anatole
France). Entre-temps, Jeanne change de statut. Michelet fait de sa vie l’acte
de naissance de la nation France, parce qu’il était après tout logique de faire
d’une fille du peuple l’incarnation d’une France qui était elle aussi femme et
populaire. Les manuels de la Troisième République suivent : ils font de
Jeanne une icône patriotique à destination de toute une clientèle d’écoliers du
primaire qui étaient encore en majorité des fils et filles de paysans comme
elle.
    D’où des problèmes historiques nouveaux à la limite du
mythe : peut-on dire que la fille du peuple a été trahie par le roi ou les
nobles et brûlée par les prêtres ? Les options politico-religieuses des
rédacteurs dicteront la réponse.
    Dans la seconde moitié du siècle, les préparatifs de sa
béatification (1909) puis de sa canonisation (1920) exaspèrent les tensions
autour de la Pucelle. À côté d’une histoire officielle de Jeanne, qui s’impose
parfois brutalement, apparaissent une multitude de mythes qui en contestent les
conclusions.
    Les remises en question touchent d’abord la naissance de
Jeanne. Sous l’Empire, Pierre Caze, sous-préfet de Bergerac, invente que la
Pucelle aurait été la fille cachée de la reine Isabeau de Bavière et du duc
Louis d’Orléans, frère de Charles VI. Un merveilleux conte de fées
remplace ainsi le merveilleux chrétien qui n’est plus compris. À Chinon, Jeanne
se serait donc fait reconnaître par son demi-frère, tout heureux de la traiter
en princesse et de lui confier une armée. Le fait qu’une bâtarde soit plus apte
à gagner une bataille qu’un fils légitime reste d’ailleurs à prouver !
Mais la théorie de Caze, à l’origine de tout un courant qu’on appelle
« bâtardisant », modifie ensuite assez peu le parcours de la Pucelle,
même si ses victoires sont évidemment plus faciles et l’inaction du roi entre
1430 et 1431 plus étrange.
    À la fin du XIX e siècle, un courant qu’on appelle faute de mieux « survivaliste » se
met en place. Il s’attaque cette fois à la mort de la Pucelle. Elle n’aurait
pas été brûlée à Rouen, où une autre aurait pris sa place. Le survivalisme
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