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Il neigeait

Il neigeait

Titel: Il neigeait
Autoren: Patrick Rambaud
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dit le blessé.
    — Capitaine d’Herbigny, 4 e  escadron, à
vos ordres.
    — Herbigny…
    — Vous m’avez confié la brigade.
    — Où est-elle ?
    — Ici, mon général !
    — Je ne comprends pas…
    — La brigade, c’est moi ! dit le capitaine en se
frappant la poitrine.
    Pendant ce temps, Vialatoux s’informait. Pouvait-on passer
facilement le Niémen ? Oui, il était à nouveau gelé. Pouvait-on auparavant
rester quelques jours à Kovno ? Ce ne serait pas prudent ; si près du
duché de Varsovie, ce sera la dernière ville que les Russes attaqueront, et
d’ailleurs, paraît-il, ils ne sont qu’à deux ou trois lieues. Un
traîneau ? Il n’y en a plus. Dehors ? Ceux du général et de sa suite.
N’y avait-il pas trois places supplémentaires ? Hélas non.
    — Capitaine, disait à l’autre bout de la salle l’un des
hommes d’escorte de Saint-Sulpice, capitaine, vous avez laissé tomber quelque
chose…
    — Moi ?
    — Attendez, je vous dis ce que c’est…
    L’homme se baissa, il poussa un cri comme s’il avait mis les
doigts sur un objet diabolique. Les autres se taisaient.
    — Qu’est-ce que vous avez trouvé ? gueulait le
capitaine. Moi, je ne vois plus rien, rien qu’une nuit permanente.
    — C’est que…
    — Dites ! Je vous l’ordonne !
    — Votre nez, Monsieur, dit Paulin d’une voix brisée.
    — Mon nez leur fait peur, à ces voyous ?
    — Oh non…
    — Alors qu’est-ce qu’il a ?
    — Il a gelé.
    — Et puis ?
    — Il est tombé par terre, Monsieur.
     
    L’impatience de l’Empereur croissait à mesure que diminuait
la distance entre Paris et lui, surtout depuis qu’il avait traversé le Rhin en
barque et croisé Montesquiou ; cet émissaire de Berthier voulait retourner
auprès du major général, il avait confirmé que l’impératrice et son fils se
portaient à merveille, que le fatal 29 e  bulletin allait être
incessamment publié dans Le Moniteur. Dès lors, Sébastien eut moins de
propos à consigner. Napoléon devenait plus badin, peu enclin à la confidence.
Inlassable, il reportait une fois de plus tous les torts de sa campagne sur les
Anglais. Cette manière de se retirer sans combattre, en brûlant les vivres et
les villes, n’était-ce pas la politique de Wellington au Portugal ? Le
Tsar n’avait-il pas un conseiller venu de Londres, Sir Robert Wilson ? Et
si les Russes avaient dix fois manqué l’occasion de nous exterminer, était-ce
par incompétence ou bien voulaient-ils garder une France assez forte pour
contrebalancer le pouvoir des Anglais ? À part ce type de réflexions,
qu’il ne développait guère, l’Empereur se plongeait dans la lecture de la
presse ou de romans frivoles. À Verdun, il demanda à Sébastien de lui acheter
des dragées et des anis chez un confiseur réputé. À Château-Thierry il prit un
bain et endossa le frac vert des grenadiers à pied de sa Garde, conservant son
bonnet et sa pelisse, moins pour se garantir d’un froid désormais supportable
que pour ne pas être identifié trop tôt. Par son retour brusque il voulait
créer la surprise. Après avoir cassé quelques essieux, changé plusieurs fois de
voiture, les voyageurs entrent dans Paris le 17 décembre avant minuit,
dans une chaise de poste à grandes roues qui a triste allure.
    Ils arrivent par la route de Meaux. Même si leur voiture est
fermée, ils se bouchent le nez en doublant la gigantesque voirie où l’on jette
à ciel ouvert les immondices de la capitale. Près de l’endroit maudit où se
dressait le gibet de Montfaucon, ils longent des friches, des champs, des
jardins de maraîchers, des fermes dont ils devinent la masse à la lueur des
lanternes. Ils obliquent à gauche, descendent la rue du faubourg Saint-Laurent
puis Saint-Martin, parviennent à la quadruple rangée de tilleuls des grands
boulevards qui remplacent l’ancienne enceinte, foncent dans des artères
étroites, chaotiques, peu éclairées, désertes à cette heure, débarrassées des
étals que les boutiquiers sortent le jour. Voici le palais impérial des
Tuileries. Le postillon s’engage sous le porche du pavillon de l’Horloge. La
chaise de poste s’arrête devant les sentinelles qui gardent le péristyle
d’entrée. Le piqueur ouvre la portière, Caulaincourt descend le premier,
déboutonne son manteau, montre les dorures de son uniforme. On laisse passer
ces visiteurs en pelisses et bonnets de fourrure. Les douze coups de
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