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Il fut un jour à Gorée

Il fut un jour à Gorée

Titel: Il fut un jour à Gorée
Autoren: Joseph N’Diaye
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ciel, les Noirs ne portent pas de chaînes.
    On l’a enfouie dans le recoin d’un modeste cimetière de Martinique. Nul n’est venu prononcer une prière pour cette vieille femme… Et puis les vents et les pluies ont abattu la croix de bois qu’une main anonyme avait plantée sur la tombe. Aujourd’hui, on a oublié jusqu’à l’emplacement de la fosse et les os blanchis ont depuis longtemps été absorbés par la terre…
    L’Histoire, qui aime tant les chiffres, a englobé Ndioba dans les millions d’Africains déportés vers les Amériques. Elle n’a pas laissé de trace de son passage sur la Terre. Elle a vécu, elle a souffert, elle a disparu. Il ne reste rien d’elle, qu’une histoire banale.
    Et terrible…
     
    **
    *
     
    La Bible nous apprend que tous les êtres humains ont été créés à l’image de Dieu. Ils sont tous descendants d’Adam, le père universel. Mais qui lisait les Saintes Écritures au XVII e siècle ? Dans une époque très religieuse, on écoutait les prêtres, on se pénétrait des commentaires des Évangiles et on vénérait les ouvrages des penseurs chrétiens. En revanche, la connaissance des Textes des origines était réservée aux hommes d’Église. Les fidèles n’y avaient pas accès.
    Les protestants, qui en Europe réclamaient un retour à une religion plus proche de ses propres racines, firent de la Bible, et notamment de l’Ancien Testament, leur Livre fondamental.
    Dès 1688, les adeptes de la secte protestante des Quakers, dans les colonies britanniques d’Amérique du Nord – les futurs États-Unis – furent parmi les premiers à déclarer que l’esclavage n’était pas agréable au regard de Dieu. Ils avaient lu la Bible, eux, et devaient en tirer un enseignement fondamental sur l’égalité humaine.
    Ils ne cessèrent de protester contre l’exploitation de l’homme par l’homme. Afin de prêcher par l’exemple, ils refusèrent d’accueillir dans leurs rangs des esclavagistes. Persuadés de parvenir à modifier la nature humaine par l’enseignement, ils menèrent des campagnes acharnées pour convaincre les planteurs de libérer leurs esclaves. Considérés dans le meilleur des cas comme des saints, dans le pire comme des fous, les Quakers n’étaient pas écoutés. Leur voix venait trop tôt.
    Antoine Bénézet, un protestant français parti vivre en Amérique, se fit le défenseur opiniâtre de la cause des Noirs. Il adressa en 1736 une lettre à l’archevêque de Canterbury, en Angleterre, dans laquelle il attirait son attention sur « l’acte d’acheter de pauvres Africains et de les arracher à leur terre natale pour les soumettre à perpétuité, eux et leurs enfants, à un esclavage oppressif et cruel. »
    Élisabeth s’étonne. N’y a-t-il eu que des protestants pour tenter de supprimer l’esclavage ?
    Non. Du côté catholique, on vit également des prêtres crier leur désapprobation. Par exemple Épiphane de Morans, religieux français appartenant à l’ordre des Capucins, voyait dès le XVI e siècle dans la pratique de l’esclavage « une violation inouïe du droit divin ». Il ne fut pas le seul. Dans les siècles suivants, d’autres prêtres s’élevèrent contre ce système inhumain.
     
    C’est de cette façon que prit naissance le grand mouvement « abolitionniste », ainsi appelé parce qu’il réclamait l’abolition, la disparition de l’esclavage.
    Bien sûr, les abolitionnistes avaient conscience que l’on ne changerait pas facilement les mentalités. Pour parvenir, un jour, à faire considérer les Noirs comme des êtres libres et égaux, il fallait avancer lentement, par étapes successives. Leur combat se dirigea donc d’abord contre la traite négrière. Il fallait convaincre les puissances européennes de renoncer à l’affreux commerce triangulaire. Ainsi, espéraient les opposants à l’esclavage, la source des êtres humains à vendre et à acheter serait asséchée.
    Le premier pays à abolir la traite fut le Danemark, en 1792. Le gouvernement du roi Christian VII, engagé dans un grand vent de réformes, institua à cette époque la tolérance religieuse, reconnut la liberté de la presse, accorda les libertés individuelles. Et dans cet élan, les dirigeants de Copenhague se désolidarisèrent des puissances qui s’enrichissaient sur la traite.
    Hélas, la décision danoise, honorable et symbolique, n’allait pas grandement ébranler les royaumes européens qui, eux, tiraient un
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