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Il fut un jour à Gorée

Il fut un jour à Gorée

Titel: Il fut un jour à Gorée
Autoren: Joseph N’Diaye
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de séditieux. Puis le châtiment prit une forme judiciaire et l’on pendit quarante-sept agitateurs.
    Les Blancs protestaient. Les Noirs se rebellaient. Mais l’Histoire était en marche. Le 29 août 1833, l’abolition définitive de l’esclavage dans les colonies britanniques était votée par le gouvernement de Londres. Les planteurs, à qui l’on retirait soudainement une force de travail gratuite, recevaient toutefois une indemnité : vingt millions de livres. Cette somme équivalait grosso modo à la moitié de la valeur de leurs esclaves. Ils se sentaient évidemment lésés. Mais que devaient alors éprouver les esclaves qui, eux, ne recevaient rien en dédommagement de leur souffrance ? À l’époque, la question ne se posait même pas.
    En fait, l’abolition à la manière britannique n’était que partielle. Seuls les enfants de moins de six ans étaient libérés sans délai. Les autres devenaient apprentis pour sept années, travaillant quarante-cinq heures par semaine sans recevoir le moindre salaire ! On voulait une abolition progressive… Mais le système se révéla impossible à mettre en place et, dès 1838, tous les esclaves des colonies britanniques accédèrent à la liberté.
     
    **
    *
     
    En France, il fallut encore attendre dix ans pour obtenir une pareille victoire. Un homme illustra ce combat : Victor Schœlcher. Après avoir voyagé dans le sud des États-Unis, au Venezuela et dans les Antilles, il fit de la lutte contre l’esclavage le sens même de sa vie : « Il faut détruire l’esclavage non seulement pour les esclaves, mais pour les maîtres, car il torture les uns et déprave les autres », écrivait-il alors.
    Il est vrai que soufflait sur l’Europe un grand vent abolitionniste. En 1830, dès son arrivée sur le trône, Louis-Philippe, roi des Français, faisait adopter une nouvelle Charte coloniale. L’idée était alors non pas de décréter directement l’abolition de l’esclavage, mais de parvenir à ce résultat par petites touches successives.
    Dans l’immédiat, on tentait de réduire les inégalités qui séparaient les différentes catégories de citoyens des terres lointaines où la France exerçait son autorité.
    Selon la Charte, toutes les personnes libres, noires ou blanches, âgées de vingt-cinq ans et payant des impôts pourraient voter. L’intention était bonne, mais la réalisation de cet ambitieux projet devait se heurter à la réalité. Selon la loi, en effet, il ne suffisait pas de payer des impôts pour glisser son bulletin dans l’urne : il fallait être imposable sur une certaine somme, assez importante. Les petits contribuables n’avaient pas accès à ce droit fondamental. Les Noirs libres, mais issus de l’esclavage, n’atteignaient jamais ce montant indispensable. En conséquence, ils n’avaient pas la possibilité de faire entendre leur voix ! La justice offerte par le roi n’était qu’une illusion. Cette imposture ne fit qu’exciter la colère et le ressentiment des exclus.
    Dans la Martinique de 1833, des populations noires se soulevèrent. Le prétexte de cette insurrection fut le refus des planteurs blancs de nommer un officier noir dans la milice chargée de maintenir l’ordre. L’assassinat d’un Blanc par un Noir libre fît croire que l’île entière allait entrer en ébullition… Les meneurs furent arrêtés. Les tribunaux, saisis de panique, prononcèrent des sentences terrifiantes. Quarante et une condamnations à mort firent comprendre à tous que le combat contre l’esclavage devait se faire radical. On ne supprimerait pas l’abomination par des petites mesures destinées à apaiser les Noirs tout en épargnant les intérêts des colons. Il ne fallait plus hésiter, c’était l’abolition pleine et entière que réclamaient désormais les êtres épris de justice.
    En métropole, l’opinion publique était acquise à la cause de l’abolitionnisme. Les Français refusaient généralement l’indignité de l’esclavage. Pour eux, ce n’était qu’un héritage des temps anciens dont il était urgent de se débarrasser.
    Le principe, au fond, était acquis. Restait à le mettre en pratique. De nombreuses questions demeuraient, même parmi les partisans de l’abolition. On se demandait, notamment, s’il était possible de libérer d’un seul coup des populations trop longtemps maintenues dans la servitude et l’ignorance. Ne fallait-il pas préparer habilement les esclaves à devenir des
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