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Il fut un jour à Gorée

Il fut un jour à Gorée

Titel: Il fut un jour à Gorée
Autoren: Joseph N’Diaye
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citoyens ?
    D’autres interrogations apparaissaient. Moins nobles. On s’inquiétait du coût de l’opération. Car il faudrait bien indemniser les planteurs des colonies à qui l’on retirerait leurs propriétés humaines. Comment l’économie des Antilles résisterait-elle à ce choc ? Bref, les peurs freinaient l’action. Et à force d’inquiétudes et de doutes, rien n’avançait.
    Quelques esprits résolus décidèrent de brusquer les choses. En 1847, le Conseil colonial de Guadeloupe décida, seul, l’abolition immédiate, allant jusqu’à fixer le montant des réparations offertes aux propriétaires et à stipuler de nouvelles règles pour le travail des esclaves libérés. La Martinique hésitait encore quand un grand événement survint à Paris au mois de février 1848 : le roi Louis-Philippe fut renversé de son trône, et la République remplaça la monarchie.
    Un gouvernement provisoire se constitua et prit les premières mesures qui devaient instituer la démocratie : Assemblée constituante élue au suffrage universel et création d’Ateliers nationaux pour donner du travail aux chômeurs. Profondément républicain, Victor Schœlcher avait été un chaud partisan de cette révolution. Il fut nommé sous-secrétaire à la Marine et aux Colonies.
    Pour cet homme déterminé, c’était le poste idéal, celui qui lui permettrait de mettre ses idées à exécution. Le temps était venu de brusquer les tièdes et de secouer les indécis. Dans la fièvre de la révolution et de l’instauration de la République, il n’était plus question d’attendre. La décision devait être prise immédiatement.
    Bien sûr, il y eut des oppositions. Certains députés tentèrent encore de convaincre le gouvernement que le Noir était, de par sa nature et par la volonté de Dieu, fait pour le travail le plus dur. Il ne pouvait donc être considéré comme l’égal du citoyen blanc. Mais ce genre de discours ne pouvait plus être pris au sérieux. Même si le racisme n’avait pas complètement disparu, on commençait à comprendre que les théories fumeuses faisant des Noirs des objets destinés à servir les maîtres ne reposaient sur rien. Ces mensonges avaient seulement permis aux riches planteurs des colonies de s’enrichir encore plus.
    Le 27 avril 1848, Victor Schœlcher fit adopter le « décret d’émancipation », mettant fin, pour la France, à des siècles d’esclavage, des siècles de honte.
    Ce décret considère que l’esclavage ne respecte pas la dignité humaine, ni la devise républicaine de « Liberté-Égalité-Fraternité », valable sur tout le territoire de la France, en métropole comme dans les colonies. Et même à l’étranger, il est désormais interdit à tout Français de participer de quelque manière que ce soit à la traite, en achetant ou vendant des êtres humains.
    À l’annonce de ce décret, les foules de Noirs libérés défilèrent aux sons de la musique. On fêtait le triomphe d’un combat qui avait été ardu mais qui s’achevait dans la victoire. Pourtant, les lendemains, on le savait déjà, seraient difficiles. La liberté s’apprend toujours dans la douleur. Les esclaves d’hier devaient maintenant entrer dans une vie nouvelle faite de luttes, elle aussi, pour conquérir la dignité.
    Souvent, ils ne quittèrent pas les plantations dans lesquelles ils avaient leur case, mais ils cherchèrent à travailler pour leur propre profit en louant ou en achetant un lopin de terre qui leur assurerait une existence décente.
    Quant aux propriétaires, ils se sont réorganisés tant bien que mal. Ils ont reçu cinq cents francs par esclave libéré, une somme qui ne leur a pas toujours permis de surmonter les difficultés économiques. De nombreuses plantations ont disparu, d’autres se sont regroupées.
    Il a fallu remplacer les travailleurs noirs. En Guyane hollandaise et anglaise, on a fait appel à des Indiens et des Chinois, à peine mieux traités que les Noirs autrefois. Mais les profits du passé n’étaient qu’un souvenir. De plus, l’exploitation de la canne à sucre perdait peu à peu de son importance : l’Europe s’était mise à la production intensive de la betterave sucrière.
     
    **
    *
     
    Aux États-Unis, l’abolition devait passer par une guerre civile meurtrière. Certains États interdisaient l’esclavage alors que d’autres l’autorisaient. En gros, le Nord, la Pennsylvanie, l’Ohio, l’Indiana, par exemple, était
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