Hitler m'a dit
économiques. Et il s’attardait, avec un intérêt particulier, à la possibilité de réprimer impitoyablement, dans des combats de rues, la résistance éventuelle des marxistes.
C’est cette même contradiction morale qui a fait récemment hésiter le Führer du Ille Reich, quand il s’est demande s’il devait céder à son désir de devenir le « plus grand stratège de tous les temps » ou s’il devait, au contraire, poursuivre la voie de la « combinaison » qui lui avait déjà si bien réussi à l’époque dont je parle plus haut, Hitler s’est entendu reprocher par ses partisans d’avoir laissé passer l’occasion favorable. En effet, la crise économique avait commencé à s’atténuer en 1932. Du coup, l’affluence au parti avait diminué. Les adversaires d’Hitler commençaient à relever la tête et semblaient devoir gagner la course. Coincé de toutes parts, habilement manœuvré, mis dans l’impossibilité agir, Hitler voyait s’écrouler tous les plans qu’il avait tordes pour arriver au pouvoir. L’élection présidentielle avait été une lourde défaite pour le parti. Depuis que Papen était au gouvernement, Hitler voyait son rival abhorre surmonter avec aisance la plupart des obstacles politiques qu’Hitler lui-même avait choisis comme ses objectifs de bataille. Par exemple, la mainmise sur la police prussienne et l’élimination de la base marxiste d’action en Prusse. Rongeant son frein, follement impatient de passer à l’action, il lui fallait néanmoins rester oisif et se contenter de jouer un rôle d’estivant dans ses montagnes bavaroises, pendant que le temps passait et que Papen lui volait effrontément tous ses plans.
IV
LE PLAN DANS LE TIROIR
Les plans, il en fut justement question ce matin de Berchtesgaden. Hitler s’enquit de la situation politique à Dantzig, ce qui le conduisit assez logiquement à poser la question économique. Je rappelai les résultats piteux de l’enquête qu’il avait prescrite en vue d’un programme général de lutte contre le chômage. Divers membres du parti, dont la plupart n’étaient que des amateurs ambitieux, avaient apporté des suggestions que les collaborateurs plus sérieux avaient accueillies avec quelque ironie. Au même moment, hors du domaine particulier de Dantzig, deux théoriciens officiels du parti, les ingénieurs Feder et Lawaczek, avaient échafaudé et défendu dans les parlotes du brain trust, comme on dit en Amérique, des systèmes plus bizarres que convaincants. Ces rêveries étaient la risée des économistes professionnels. Je demandai donc à Hitler, dont j’ignorais alors les relations personnelles avec Feder, par quels moyens il pensait réaliser le financement du programme économique. Je lui dis que selon mes modestes lumières le système de Feder ne signifiait rien de plus que le financement basé sur l’inflation.
« Comment cela ? » demanda Hitler, en me regardant d’un air courroucé. « Le financement ne me cause aucun souci. Laissez-moi faire. Il n’y aura aucune difficulté si l’on élimine les spéculateurs. »
— « Mais, répliquai-je, il ne sera pas possible de maintenir les prix si l’on finance de cette manière les grands travaux. La monnaie imaginée par Feder provoquera forcément de l’inflation. »
— « Il se produit de l’inflation si on le veut, s’indigna Hitler. L’inflation n’est qu’un manque de discipline : indiscipline des acheteurs et indiscipline des vendeurs. Je veillerai à ce que les prix restent stables. Pour cela, j’ai mes S.A. Malheur à celui qui oserait augmenter ses prix. Il n’y aura pas besoin de textes législatifs. Le parti s’en chargera. Vous verrez, quand nos S.A. iront faire respecter les prix dans les magasins. Ils n’auront pas besoin d’y aller deux fois. »
Forster fit un signe d’approbation. Ce genre de discipline économique lui paraissait excellent.
« Du reste, poursuivit Hitler, les théories de Feder et de Lawaczek m’importent peu. J’ai le don de ramener toutes les théories à leurs données objectives. Quand le temps sera venu, j’agirai avec décision. Quant aux chimères, je n’ai pas à m’en préoccuper. Vous n’avez pas besoin de prendre au sérieux ce Feder et son équipe, même si leurs assertions sont approuvées officiellement par le parti. Qu’ils bavardent tant qu’ils voudront. Quand je serai au pouvoir, je m’arrangerai pour qu’ils soient rendus inoffensifs.
Weitere Kostenlose Bücher