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Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814

Titel: Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
Autoren: François-Auguste-Marie-Alexis Mignet
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noblesse avait celui de n’être point imposée, le clergé celui de s’imposer lui-même par des dons gratuits   ; quelques provinces étaient abonnées à l’impôt, et quelques autres en faisaient elles-mêmes la répartition. Telles étaient les modiques garanties de la France, et encore tournaient-elles toutes au profit des classes avantagées et au détriment du peuple.
    Cette France, si asservie, était de plus très-mal organisée   ; les excès du pouvoir y étaient encore moins insupportables que leur injuste répartition. Divisée en trois ordres, qui se divisaient eux-mêmes en plusieurs classes, la nation était livrée à tous les coups du despotisme, et à tous les maux de l’inégalité. La noblesse se décomposait en hommes de cour, qui vivaient des grâces du prince, c’est-à-dire des sueurs du peuple, et qui obtenaient ou les gouvernements des provinces, ou les emplois élevés dans l’armée   ; en parvenus anoblis qui dirigeaient l’administration, étaient revêtus des intendances, et exploitaient les provinces   ; en hommes de robe qui géraient la justice et étaient seuls aptes à en posséder les charges   ; en nobles de terre, qui opprimaient les campagnes par l’exercice des droits privés féodaux qui avaient survécu aux droits politiques. Le clergé était partagé en deux classes, dont l’une était destinée aux évêchés, aux abbayes et à leurs riches revenus, et l’autre aux travaux apostoliques et à leur pauvreté. Le tiers-état, pressuré par la cour, humilié par la noblesse, était séparé lui-même en corporations qui se renvoyaient les mépris et les maux qu’elles recevaient des rangs supérieurs. Il possédait à peine la troisième partie des terres, sur laquelle il était réduit à payer les redevances féodales aux seigneurs, la dîme au clergé, les impôts au roi. En dédommagement de tant de sacrifices, il ne jouissait d’aucun droit, n’avait aucune part à l’administration, et n’était point admis aux emplois.
    Cet ordre des choses ne pouvait pas durer long-temps, et c’était le prince qui était destiné lui-même à en provoquer le terme. Par ses profusions, il devait épuiser ses moyens, et détruire tout équilibre entre ses besoins et ses revenus   ; en favorisant le mouvement des esprits, il devait appeler l’examen sur son gouvernement et donner la puissance des lumières à ce tiers-état si humilié et si asservi   ; en exigeant sans cesse de nouveaux impôts, il devait se mettre dans la dépendance, d’abord de ceux qui les autorisaient, ensuite de ceux qui les fournissaient, et provoquer la résistance de la nation, après avoir enhardi l’opposition des parlements. Les cours sont portées à des prodigalités que l’arbitraire favorise, qui conduisent à l’épuisement, et par l’épuisement à une réforme. C’est toujours à cause des facilités et du peu de limites de son pouvoir, qu’un gouvernement se crée des besoins, et c’est toujours par ses besoins qu’il succombe.
    Louis XIV usa les ressorts de la monarchie absolue par une tension trop longue, et un exercice trop violent. Irrité des troubles de sa jeunesse, épris de la domination, il brisa toutes les résistances, interdit toutes les oppositions, et celle de l’aristocratie qui, s’exerçait par des révoltes, et celle des parlements qui s’exerçait par des remontrances, et celle des protestants qui s’exerçait par une liberté de conscience que l’église réputait hérétique, et la royauté factieuse. Louis XIV assujettit les grands en les appelant à la cour, où ils reçurent en plaisirs et en faveurs le prix de leur dépendance. Le parlement qui jusque-là avait été l’instrument de la couronne, voulut en devenir le contre-poids, et le prince lui imposa avec hauteur une soumission et un silence de soixante années. Enfin la révocation de l’édit de Nantes fut le complément de cet œuvre de despotisme. Un gouvernement arbitraire, non-seulement ne veut pas qu’on lui résiste, mais il veut encore qu’on l’approuve et qu’on l’imite. Après avoir soumis les conduites, il persécute les consciences, car il faut qu’il agisse, et qu’il aille chercher les victimes lorsqu’elles ne se présentent pas. L’immense pouvoir de Louis XIV s’exerça au-dedans contre les hérétiques, déborda au-dehors contre l’Europe   ; l’oppression trouva des ambitieux qui la conseillèrent, des dragons qui la servirent, des succès qui
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