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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie
Autoren: Maurice Denuzière
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étrange regard vairon, qu’on ne pouvait oublier, inquiétant ou charmeur suivant les circonstances, un regard bicolore, prompt à foudroyer l’insolent comme à enjôler les filles. Dans les moments de courroux ou d’impatience, l’œil bleu, le gauche, semblait l’emporter sur l’œil droit, couleur noisette. C’était le cas dans l’instant. Aussi le maréchal des logis se garda-t-il de répliquer.
     
    En parlant ainsi, Fontsalte avait en mémoire la lettre que le président de la municipalité de Vevey avait adressée, deux jours plus tôt, à la Chambre administrative cantonale et dont l’état-major du général Loison, stationné à Lausanne, avait eu copie.
     
    « Les troupes françaises se regardent en Helvétie comme dans un pays conquis et les officiers qui les commandent n’ont pas pour les autorités constituées les mêmes égards qu’ils auraient en France pour les mêmes autorités 8  », constatait avec amertume le magistrat. Il se plaignait également de la désinvolture des généraux qui « fixent les logements d’après les cartes plutôt que d’après la connaissance exacte du pays ».
     
    Le souci du jeune capitaine s’expliquait par le fait que sa mission ne consistait pas seulement à vérifier que tout était prêt à Vevey pour la revue du 13 mai. Formé dans le corps d’élite des Guides de Bonaparte – devenu Garde des consuls sous le commandement d’Eugène de Beauharnais, beau-fils du Premier consul – et détaché depuis peu au service « chargé de la partie secrète et des reconnaissances », Fontsalte devait aussi se renseigner sur l’état d’esprit de la population, recruter si possible des informateurs, détecter d’éventuels réseaux d’espionnage.
     
    On savait, à l’état-major du général Berthier, que les Autrichiens disposaient, entre Lausanne et Villeneuve, d’agents attentifs aux mouvements de l’armée de réserve. Le capitaine tenait aussi du secrétaire-interprète alsacien, Théobald Bacher, attaché à la légation de Genève et correspondant du service des Affaires secrètes et des Reconnaissances, que des agitateurs britanniques, travestis en négociants ou colporteurs, entraient depuis peu en Suisse pour créer un climat anti-français, en attisant les conflits entre fédéralistes et centralistes. Si les citoyens suisses semblaient tenir, pour la plupart, au maintien de la « République helvétique une et indivisible », proclamée le 18 avril 1798 à Aarau, leurs choix politiques et économiques différaient. Les uns, pour mettre fin au désordre des affaires, exigeaient une large participation de la population aux décisions, les autres souhaitaient confier le destin du pays à une prétendue élite issue de l’ancienne oligarchie bernoise.
     
    Depuis deux ans, les deux camps ne pensaient qu’à fomenter des coups d’État. Le dernier en date, du 7 janvier 1800, avait donné l’avantage à la réaction et les Vaudois, suspects d’être favorables aux idées nouvelles et nommés de ce fait, avec un rien de mépris, « patriotes » par les tenants de l’Ancien Régime, commençaient à souffrir d’une reprise en main jugée rétrograde. Bien qu’ayant toujours rempli leur devoir envers la République helvétique, respecté les lois du gouvernement central et payé régulièrement leurs impôts, les habitants du canton avaient vu, sans plaisir, les fonctionnaires publics qu’ils avaient choisis remplacés par des partisans de l’Ancien Régime. Le nouveau préfet du Léman, Henri Polier, et le sous-préfet, Pierre-Élie Bergier, appartenaient à cette coterie. Afin de s’attirer la sympathie que la population semblait leur refuser, les réactionnaires ne laissaient jamais passer l’opportunité, pour faire monter l’animosité contre la France et les Français, d’exploiter la gêne, les charges financières, les incidents et les dégâts causés par les troupes étrangères.
     

    La veille, à Lausanne où, précédé du 12 e  hussards et de deux bataillons du 58 e  régiment d’infanterie de ligne, le Premier consul était arrivé à quatre heures et demie de l’après-midi, accompagné du général Berthier et de son état-major, l’accueil des Vaudois avait été chaleureux. Dans un rapport dicté à Bourrienne, son secrétaire, et envoyé le jour même à ses collègues consuls, Cambacérès et Lebrun, le général s’en était félicité : « Toute cette partie de la Suisse est absolument
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