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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie
Autoren: Maurice Denuzière
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1.
     
    Au petit matin du 13 mai 1800, deux cavaliers trottaient botte à botte sur la route côtière du lac Léman, entre Lausanne et Vevey. Le plus jeune, de belle prestance, torse bombé, moustache et favoris bruns, menton carré, nez puissant, montait un anglo-arabe gris pommelé, portait le nouvel uniforme des chasseurs de la Garde des consuls, habit vert, culotte rouge, et les galons de capitaine. Le plumet à pointe écarlate qui frémissait au rythme du trot sur son colback d’ourson indiquait son appartenance à la compagnie d’élite.
     
    L’autre cavalier, un maréchal des logis dont la puissante carrure paraissait idéalement proportionnée à la large croupe de son ardennais, gaillard d’aspect plus rustique et dans la force de l’âge, faisait, depuis trois mois, fonction d’ordonnance.
     
    Le capitaine Fontsalte, Blaise de Fontsalte pour quelques amis qui connaissaient ses origines aristocratiques, et le maréchal des logis Jean Trévotte, dit Titus, se rendaient à Vevey, où le Premier consul passerait en revue, le même jour, à trois heures de l’après-midi, la division Boudet.
     
    Six mille soldats de l’armée de réserve, rassemblés dans la petite cité vaudoise, devraient en effet, les jours suivants, comme leurs milliers de camarades déjà en route vers le col du Grand-Saint-Bernard, affronter les difficultés inconnues du passage des Alpes pour se rendre en Italie.
     
    La guerre offrait, en ce printemps, des fortunes diverses. Si l’armée du Rhin, commandée par Moreau, venait de remporter une belle victoire à Stockach, où les Français avaient fait sept mille prisonniers et pris neuf canons, l’armée d’Italie ne connaissait, depuis les défaites de 1799 à Cassovo et Novi, que des déboires. Masséna, enfermé dans Gênes, avec quinze mille hommes faméliques, par l’armée du vieux général Melas 1 , forte de cinquante mille soldats, ne disposait que de deux semaines de maigres rations. Le général Suchet, rejeté sur le Var, se cramponnait à la côte avec des soldats contraints de manger l’herbe des cimetières et du pain d’amidon. C’est, en tout cas, ce qu’un officier de liaison, qui avait échappé aux assiégeants autrichiens puis aux corvettes anglaises, était venu dire au Premier consul le 7 mai, alors que ce dernier, en route pour Genève, dînait à Avallon.
     
    La nouvelle avait incité le général Bonaparte à gagner au plus vite Dijon, où achevait de se constituer l’armée de réserve, créée le 17 ventôse an VIII (8 mars 1800) par un arrêté des consuls pour porter secours à l’armée d’Italie.
     
    L’escadre de lord Keith, interdisant le ravitaillement par mer, imposait aux renforts d’intervenir par terre, donc de traverser la Suisse et franchir les Alpes, pour prendre les Autrichiens à revers et desserrer l’emprise de Melas sur Gênes. Maintenant que l’avant-garde de l’armée de réserve s’était mise en route, il suffisait de marcher vers les cols alpins. Et, de Bourgogne en Valais, on marchait.
     
    Les risques de l’expédition faisaient naturellement le fond de la conversation des deux cavaliers, encore que l’ascension du Grand-Saint-Bernard inquiétât plus l’ordonnance que les dangers des combats qui attendaient les troupes françaises dans la plaine lombarde.
     
    – Croyez-vous qu’il y aura encore de la neige là-haut, citoyen capitaine ?
     
    L’accent, doucement rocailleux, indiquait une origine bourguignonne. Le ton était plus familier que respectueux.
     
    – Je t’ai déjà dit de laisser de côté le citoyen ! Citoyens, nous le sommes tous ! Alors, inutile de le rappeler à tout bout de champ !
     
    Il y avait un peu d’humeur contenue dans la réplique de l’officier.
     
    – Croyez-vous, capitaine, qu’il y aura encore de la neige sur la montagne ? répéta, sans se démonter, le maréchal des logis.
     
    – C’est probable, et nous le saurons toujours assez tôt, répliqua l’officier en poussant son cheval pour dépasser un convoi d’artillerie qui occupait toute la largeur de la route.
     
    Tandis qu’il doublait l’attelage, l’officier fit mine de ne pas entendre les quolibets des artilleurs. Certains comparaient, à haute voix et sans vergogne, l’élégance du cavalier vêtu de neuf, chaussé de bottes à la hongroise, souples et lustrées, avec leurs uniformes disparates, élimés, et leurs souliers percés. Le chef de pièce, respectueux des galons,
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