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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie
Autoren: Maurice Denuzière
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seau à la fontaine voisine.
     
    – À qui appartient cette belle maison ?
     
    L’enfant prit le temps de retirer son seau de la margelle, de descendre les marches de la fontaine et, après avoir jeté, de bas en haut, un regard inquisiteur sur l’officier, se décida à répondre. Il s’exprima avec l’accent propre aux Vaudois, qui mettent dans leur élocution assez de lenteur pour que chaque syllabe d’un mot livre sa pleine sonorité significative et prolongent les finales chantantes en point d’orgue.
     
    – On l’appelle la maison d’Oron, paraît que c’est là que les seigneurs d’autrefois tenaient le sel qu’ils vendaient aux gens. Maintenant, c’est une auberge… Vous êtes général, monsieur ?
     
    – Non, mon garçon, je ne suis que capitaine et je cherche le château baillival.
     
    – Je peux vous conduire, Monsieur le Capitaine, c’est vers chez mon père.
     
    L’enfant reprit son seau et Fontsalte réduisit le pas pour ne pas obliger le gamin à trottiner à son côté. Chemin faisant, le petit Veveysan, croyant bien faire, signala avec fierté à l’attention de l’officier les bâtiments qu’il estimait remarquables. C’est ainsi que le Français sut que la Cour au chantre, une grande maison dont l’entrée, accessible par un escalier à double révolution, était surmontée d’un fronton grec, avait aussi appartenu à la famille d’Oron et qu’elle abritait maintenant de simples bourgeois. Un peu plus loin, sur une petite place pavée et ombragée sur son pourtour par des marronniers, l’enfant désigna la façade de ce qu’il appela le nouvel hôtel de ville et, aussi, le poteau du pilori « où l’on attache les voleurs et les méchantes gens », précisa-t-il.
     
    Une grande animation régnait sous les arbres. Des hommes du pays, la plupart vêtus de noir, allaient et venaient, entraient ou sortaient de la maison commune. Certains bavardaient avec des officiers français tandis que déambulaient des artilleurs et des fantassins, dont les uniformes délavés et rapiécés inspirèrent à Fontsalte, devant tous ces civils bien habillés, un vague sentiment de honte.
     
    – C’est à cause qu’il va y avoir une grande revue ce tantôt sur la place du Marché, dit l’enfant, pour expliquer cette agitation.
     
    Puis il ajouta, regardant le capitaine :
     
    » Mais vous y serez, vous, peut-être. J’irai voir, avec ma tante, expliqua l’enfant.
     
    – Et tu verras le général Bonaparte, et d’autres généraux, et tu entendras le canon. Mais, dis-moi, les gens d’ici aiment-ils les Français et le général Bonaparte ?
     
    – Ça, je sais pas, Monsieur le Capitaine. C’est pas des choses que je sais, ça, non !
     
    Tout en répondant, le petit Veveysan reprit son seau d’un geste si décidé qu’un peu d’eau se répandit. Il s’éloigna d’un pas ferme, comme si la question de Fontsalte contenait une menace. Le capitaine sourit. On lui avait déjà parlé de la prudente réserve vaudoise. On devait tôt l’apprendre aux enfants.
     

    Le château baillival, grande bâtisse couverte d’une splendide toiture en bâtière, aux pignons à auvents, ne possédait qu’une porte modeste, sur la façade, côté rue d’Italie, mais ouvrait sur une vaste terrasse ombragée, côté lac. Quand Fontsalte traversa celle-ci pour pénétrer dans le bâtiment, elle était pleine de soldats qui fumaient et devisaient autour des fusils dressés en faisceaux. La sentinelle rectifia la position et un brigadier conduisit le capitaine, par un large escalier de pierre grise, jusqu’au premier étage, où se tenait l’état-major de la division Boudet.
     
    – Heureux de vous voir, dit le général Musnier en venant, main tendue, à la rencontre de son visiteur, sur un parquet grinçant mais ciré comme pour le bal.
     
    Après quelques échanges de politesses, le général fit appeler le colonel Ribeyre, chef du service secret de l’état-major. Il n’eut pas à faire de présentations, Fontsalte et Ribeyre se connaissant depuis l’expédition d’Égypte.
     
    – Vous devez avoir des choses à vous dire, messieurs, conclut le général d’un air entendu.
     
    Ribeyre conduisit Fontsalte à l’étage supérieur, dans la pièce qui lui tenait lieu de bureau, et offrit un siège au visiteur.
     
    – Vous êtes mieux logé qu’à Lausanne, observa Fontsalte.
     
    – C’est l’ancienne demeure des baillis, représentants de Leurs
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