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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane
Autoren: Juliette Benzoni
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breton.
    — Ah !
    Pareil à une plante en voie de dessèchement et qu’une averse arrose, Finnegan parut reprendre vie. Si aucun homme ne devait posséder Madalen, il se consolerait de l’avoir perdue et Gilles se jura que jamais, au grand jamais, il n’apprendrait ce qui s’était passé dans la grotte de la Tortue ni dans la chambre du Cap.
    Sachant que le sang britannique de son ami ne lui permettait pas d’attendrissement, Gilles rompit les chiens pour couper le chemin à l’émotion qui les gagnait tous deux.
    — Où est Judith ? demanda-t-il. Il faut que je la voie tout de suite. J’ai beaucoup de choses à lui dire, beaucoup de pardons à lui demander…
    — Je ne sais pas. Depuis le retour de Pongo elle est enfermée chez elle, défendant qu’on la dérange sous quelque prétexte que ce soit. Je la crois très malheureuse, Gilles…
    Celui-ci allait s’élancer pour gravir le perron quand Charlot, énorme et radieux, s’encadra dans la porte.
    — Bienvenue au maît’e ! s’écria-t-il. Mââme Judith pa’tie à cheval il y a une heu’e ! M’a dit qu’elle allait à son ca’bet…
    — À cheval ? fit Gilles. Quel cheval ?
    — Vot’ cheval, missié Gilles : le beau Me’lin !
    Finnegan se mit à jurer avec une extraordinaire luxuriance.
    — Elle est partie à cheval ? Et avec Merlin encore ? Dans son état ?
    — Si sa côte cassée ne la fait plus souffrir, commença Gilles pensant que c’était à cela que le médecin faisait allusion mais Finnegan le regarda avec une fureur concentrée.
    — Quel damné imbécile tu fais ! Il s’agit bien de ça ! Elle est enceinte !
    Gilles reçut le mot en pleine figure, comme une gifle.
    — Enceinte ? articula-t-il.
    — Oui… enceinte ! Elle attend un bébé, si tu préfères d’autres mots, et si tu me demandes de qui, je t’aplatis la figure ! Elle ne voulait pas que tu le saches parce qu’elle espérait toujours que tu lui reviendrais sans cela. Maintenant courons ! Un cheval, Cupidon, un cheval ! Il faut la rejoindre.
    — Que crains-tu ? demanda Gilles qui pâlissait. Une nouvelle chute ?
    — Non. Le désespoir !
    Il se mit à courir vers les écuries mais déjà Gilles partait comme un boulet de canon, talonnant furieusement son cheval qui l’emportait à un train d’enfer. La peur, une peur horrible lui tordait à présent les entrailles après la bouffée de bonheur que lui avait donnée la nouvelle de l’enfant à venir. Ce n’était pas possible ? Judith n’allait pas faire ça ? Elle ne pouvait pas l’aimer au point de vouloir se détruire et détruire avec elle l’enfant de Gilles ?
    Quelque chose de salé lui mouilla les lèvres et il comprit que c’étaient des larmes. Des branches lui griffèrent le visage tandis qu’il se précipitait à tombeau ouvert, coupant à travers bois et ravins pour gagner du temps, arriver plus vite… Plus vite, plus vite ! Encore plus vite !
    Des bribes de prières désordonnées, presque oubliées, lui remontaient aux lèvres tandis qu’il courait, chasseur forcené lancé à la traque de la mort. La terre des sentiers, l’herbe des talus volaient sous les sabots de son cheval.
    Ce fut en atteignant la longue descente sinueuse qui menait à la petite crique entourée de cocotiers qu’il aperçut Judith. Vêtue d’une ample robe blanche, elle se tenait debout au bord de la mer tournant le dos à l’île, face à l’immensité bleue sur laquelle sa blanche silhouette se détachait, pareille à quelque nuage que sa chevelure empourprait comme un soleil couchant.
    De toute sa voix, se dressant sur ses étriers, Gilles l’appela :
    — Judith ! Judith !
    Mais il était trop loin encore et la brise était contraire. Elle ne l’entendit pas. Il la vit laisser glisser de ses épaules la légère robe et s’avancer lentement dans la mer. Un pas puis un autre pas… Les vaguelettes léchèrent ses chevilles fines, ses genoux, puis ses cuisses… Envahi d’un terrible pressentiment, Gilles précipita sa course sans quitter des yeux la mince silhouette dorée qui avançait, toujours en diminuant. Puis il ne la vit plus. Elle venait de plonger.
    Quand il déboucha en trombe sur la plage dans une tempête de sable, elle était déjà loin. Ses bras minces plumaient la surface de l’eau et, derrière elle, sa chevelure s’étalait sur la mer qu’elle teintait de roux, comme une moirure. Elle piquait droit vers le large… Bientôt elle serait
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