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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane
Autoren: Juliette Benzoni
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toile blanche de sa coiffe, il entendait sa voix âpre l’accabler de sa malédiction parce qu’il n’était qu’un bâtard.
    — Je n’ai pas choisi d’être mère. On me l’a imposé ! Aucun forçat n’aime son boulet.
    Elle avait dit ça ! Elle lui avait jeté au visage, comme une insulte, le récit de ses brèves amours et comment elle n’avait plus songé, n’y voyant qu’une malédiction, à les expier par la prière et le renoncement au monde. Oui, il revoyait trop nettement Marie-Jeanne Goëlo, sa mère… sa mère qui le croyait mort et qui priait pour lui, d’un cœur allégé, justement dans ce couvent des bénédictines de Locmaria, le plus sévère de toute la Bretagne, où Madalen voulait s’enfermer.
    — Pourquoi, gémit-il douloureusement, pourquoi Dieu habille-t-il de tant de beauté des âmes si dures, si fermées ? Je t’en supplie, Madalen, écoute-moi encore ! Il faut…
    N’entendant aucun bruit, il ouvrit les yeux, vit le salon vide et la porte ouverte. Madalen était partie…

    Combien de temps demeura-t-il ainsi, prostré au fond de ce fauteuil, la tête vide et les yeux lourds de larmes qu’il refusait farouchement de laisser couler ? Longtemps sans doute. Il ne voyait plus rien, ne sentait plus rien qu’un goût amer dans la bouche et l’envie de rester ainsi jusqu’à la fin des temps, changé en pierre. Il ne souffrait même pas, constata-t-il non sans surprise, sinon de cette douleur vague que l’on éprouve après la crevaison d’une tumeur qui vous a fait longtemps damner.
    Enfin, il se redressa, s’étira jusqu’à sentir craquer ses os, avec l’impression bizarre de sortir d’un mauvais rêve ou peut-être de revenir des confins de la folie. À Thisbé qui s’encadrait dans la porte, il jeta un regard vague.
    — Oui, Thisbé ?
    — Il et, ta’d, déjà ! Le maît’e veut pas manger ?
    — Manger ? Non, mais je boirais bien du café, Thisbé. Du café très fort et très parfumé, comme tu sais si bien le faire…
    La blancheur de son sourire illumina le fin visage noir.
    — Tout de suite, maît’e ! Un bon café, y a ’ien de mieux pou’ consoler les cœu’s t’istes.
    Il but, brûlant, l’odorant breuvage dans lequel, à la mode de La Nouvelle-Orléans, Thisbé avait fait cuire de la cannelle, de l’écorce d’orange et qu’elle avait flambé au rhum. Par-dessus les frondaisons vertes du jardin, ses yeux se posèrent sur la mer. Là-bas le Gerfaut , toutes voiles dehors, doublait la première passe emportant l’amour le plus fou qui lui eût jamais traversé le cœur. Il y laissait une trace empoisonnée qu’il fallait chasser au plus vite. Avec une sorte de rage, il lui tourna le dos, vida le reste du pot de café puis, arrachant une branche de jasmin fleurie, il l’écrasa presque contre ses narines. Les parfums de la terre, sa force profonde devaient pouvoir venir à bout de tous les maléfices. Et, tout au fond de lui-même, commençait à poindre quelque chose qui ressemblait à un peu de soulagement. Peut-être était-il temps, à présent, de rentrer à la maison ?
    La pensée de « Haute-Savane », dont il faisait si peu de cas il y a seulement quelques heures, traversa son esprit, l’illumina. Là était la vérité, là était le devoir, là était peut-être le bonheur. Et puis… là était Pongo, Pongo qui allait être heureux de le revoir. Et ce fut au grand galop qu’il reprit le chemin qui le ramenait chez lui…
    Pourtant ce ne fut pas Pongo qu’il rencontra en premier. Ce fut Finnegan qui débouchait de derrière le rideau de cactus et qui s’arrêta net, sans même songer à cacher le chagrin inscrit sur sa figure. Le malheureux avait dû endurer toutes les tortures de l’enfer en croyant celle qu’il aimait partie avec son ami… Mais Gilles vit aussi que ses yeux, si semblables un instant plus tôt à des cailloux verts sans éclat, se remettaient à briller.
    — Te voilà ! soupira l’Irlandais sans rien trouver d’autre. Te voilà ! (Puis, au bout d’un instant :) Tu n’es donc pas parti ?
    — Non. Mais elle, elle est déjà loin. C’est mieux pour tout le monde, crois-moi… surtout pour elle. Madalen ne veut pas vivre sur terre…
    — Tu crois ?
    — J’en suis sûr ! N’aie pas de regrets. Aucun de nous ne l’intéresse : elle a choisi ce qu’il y a de mieux.
    — Quoi donc ?
    — Dieu ! Le capitaine Malavoine l’emmène dans un couvent
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