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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane
Autoren: Juliette Benzoni
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été et que vous n’auriez jamais pu l’être auprès de celui qui, malgré tout, pensera souvent à vous et aux heures divines qu’il vous doit. Que Dieu vous garde ! – Gilles de Tournemine.  »
    Sa lettre achevée, Gilles la relut soigneusement, corrigea une légère faute, la sabla, la plia et la cacheta au moyen du chaton de sa bague puis, remontant s’habiller rapidement, il se mit finalement à la recherche de Pongo qui, fidèle à une habitude qu’il avait prise récemment à « Haute-Savane », dormait sous la véranda sur une banquette de rotin.
    — Quand le jour sera levé, dit-il, tu rentreras à la maison et tu donneras cette lettre à Judith.
    Comme presque tous les Indiens, Pongo possédait la faculté de passer sans transition du sommeil à une conscience très claire. Il fronça les sourcils, regardant le rectangle blanc taché de rouge avec méfiance.
    — Quoi dire dans lettre ? demanda-t-il d’un ton soupçonneux. Pourquoi si pressé ? Où toi aller à cette heure ?
    — Au port. Je vais dire au capitaine Malavoine que nous embarquerons tout à l’heure pour la France, Madalen et moi.
    — Quoi ? Pongo mal compris ?…
    — Non. Tu as très bien compris. Je pars, Pongo, je l’emmène ! Elle ne veut plus vivre ici et moi je ne veux plus vivre sans elle. Elle est pour moi…
    Il s’arrêta devant l’expression de colère et de mépris qui bouleversa soudain le visage tanné de l’Indien. Il eut l’impression que Pongo le voyait pour la première fois et que ce qu’il voyait ne lui plaisait pas du tout.
    — Elle est femelle dont toi avoir envie ! gronda-t-il. Il y a longtemps Pongo savoir ça. C’est raison pour laquelle lui te laisser seul avec fille dans grotte. Pongo espérer toi guéri de folie une fois désir assouvi.
    — Ce n’est pas ça, Pongo. Je l’aime !
    — Non ! Toi pas aimer ! Toi vouloir baiser encore et encore mais toi pas aimer parce que… toi aimer « Fleur de Feu »… ta femme… seule femme digne de toi ! Seule digne compagne de guerrier ! Cette fille pâle comme lune et froide comme elle, pas capable aimer vraiment… Elle regretter bientôt t’avoir donné amour.
    De ses deux mains posées sur les épaules de son compagnon d’aventures, Gilles essaya de l’apaiser.
    — Tu ne peux pas comprendre, Pongo. Le cœur de l’homme…
    — Cœur de l’homme partout pareil ! Envies de l’homme partout pareilles aussi ! Toi fou pour abandonner maison, serviteurs, noirs et blancs, ami Finnegan, femme belle comme déesse… et Pongo par-dessus marché ! Tout ça pour fille en fromage blanc !
    — Je ne t’abandonne pas, Pongo. Dès que je serai en France, je te dirai où tu pourras me rejoindre.
    — Non, jamais ! Si toi partir, toi plus jamais revoir Pongo !
    Et, arrachant la lettre des mains de Gilles, Pongo sauta en voltige par-dessus la balustrade de la véranda puis se dirigea à grands pas vers l’écurie. Mais, au seuil, il se retourna, cria dans la nuit d’une curieuse voix enrouée :
    — Toi vouloir vraiment Pongo porter lettre ?
    — Oui… Il le faut !
    — Alors, adieu ! Pongo préférer servir grande dame que mari méprisable !
    Le galop de son cheval quand il résonna sur la terre durcie du cours Villeverd résonna aussi, lourdement, dans le cœur de Gilles plus meurtri qu’il ne voulait l’avouer. Pongo, depuis tant d’années, avait pris en lui une place si grande qu’en s’en séparant, il sentait un déchirement cruel, prélude d’un vide que seul l’amour de Madalen lui permettrait de supporter. Il ferma les yeux un instant, essayant de toutes ses forces d’évoquer le visage de celle qu’il aimait pour tenter d’oublier celui, à la fois furieux et douloureux, de son vieil ami. Fallait-il qu’il l’aime pour sacrifier ainsi tant de choses : sa terre bien-aimée, sa belle demeure, son fidèle compagnon… une femme telle que Judith et jusqu’à son cheval, son beau Merlin qu’il n’avait pas voulu hasarder dans l’aventure de la Tortue et qui l’attendrait vainement dans son écurie sous les palmes… Mais aussi elle allait lui donner tant d’amour…
    Se secouant, comme un bœuf qui cherche à se débarrasser des mouches, pour chasser toutes ces pensées déprimantes qui renaissaient sans cesse, s’efforçant de l’empêcher de vivre cet amour tant désiré, il gagna à son tour l’écurie, sella un cheval et se rendit au port où il donna ses instructions à un Malavoine
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