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Gondoles de verre

Gondoles de verre

Titel: Gondoles de verre
Autoren: Nicolas Remin
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les pièces, accompagnée sur le plan acoustique par des cris d’enfants en train de jouer et le bruit de marteaux et de scies qui montaient des ateliers situés au rez-de-chaussée.
    Les Valmarana, quant à eux, s’étaient réfugiés dans le grenier. Tron avait bien conscience de ce que cela signifiait. Pour les vieilles familles vénitiennes, le grenier était la dernière étape avant la chute définitive. Après, il ne restait plus qu’à vendre le palais.
    — Il s’agit de M. Kostolany, expliqua-t-il.
    — Le marchand d’art du palais da Lezze ?
    Il hocha la tête.
    — Il semble que votre mari ait entretenu des relations commerciales avec lui.
    — C’est juste. Nous lui avons à l’occasion vendu des œuvres d’art.
    — D’après une inscription dans l’agenda de Kostolany, votre mari lui aurait rendu visite hier soir. Est-ce exact ? demanda-t-il d’un ton aimable.
    — Oui, tout à fait exact. Mais je ne comprends toujours pas pourquoi vous me posez ces questions, commissaire.
    — Il se pourrait que nous devions prier votre époux de se tenir à notre disposition.
    La comtesse se pencha en avant et esquissa un sourire glacial.
    — Vous voulez dire qu’il pourrait avoir remarqué quelque chose ?
    Le commissaire hocha poliment la tête.
    — Oui, c’est à peu près ce que je voulais dire.
    — Et qu’aurait-il pu remarquer ?
    — Par exemple, l’individu qui a assassiné Kostolany la nuit dernière.
    — Kostolany est… ?
    — Mort, en effet. Quelqu’un lui a passé un lacet en cuir autour du cou et a serré.
    — Vous croyez qu’Ercole aurait pu voir cet homme ?
    Tron acquiesça.
    — Cela n’est pas exclu.
    — Si quelque chose l’avait frappé hier soir, il me l’aurait dit, répliqua-t-elle.
    À l’évidence, la comtesse ne pouvait pas s’imaginer que son époux lui cachât quoi que ce fût.
    — Peut-être avait-il de bonnes raisons de ne pas évoquer le sujet.
    — Vous parlez par énigmes, commissaire.
    — Nous savons que votre mari s’est disputé avec Kostolany il y a trois jours. Et qu’au cours de cette dispute, il a menacé la victime de lui tordre le cou.
    Les mâchoires de la comtesse se crispèrent, mais elle ne broncha pas d’un cil.
    — Et alors ?
    — Le problème est que, de ce fait, votre mari fait partie des suspects.
    — Vous êtes venus pour l’arrêter ?
    Tron secoua la tête.
    — Non, juste pour lui poser quelques questions.
    Devait-il lui raconter qu’il avait usé les bancs de l’école avec son mari ? Non, cela ne changerait rien à l’affaire. Ni pour elle, ni – si jamais les choses tournaient mal – pour lui non plus.
    La comtesse Valmarana inclina la tête en arrière et fixa sur lui un regard glacial : un rayon froid sur une eau froide. Puis elle se leva sans un mot et se dirigea vers la fenêtre à pas lents. Tron distinguait derrière elle le dôme de Santa Maria della Salute qui se dressait tout près de là dans l’air pur de l’été. Elle se retourna et parla d’une voix dure, presque rauque :
    — Ercole ne l’a pas tué.
    Puis après une petite pause, elle ajouta avec une colère à peine contenue :
    — Mais il en aurait eu toutes les raisons.
    — Pourquoi ?
    — Je vais vous le montrer.
    Elle s’avança vers la petite commode près de la fenêtre, sortit – ou plutôt arracha – d’un geste brusque une feuille de papier ministre rangée sous un livre et la laissa tomber avec mépris sur la table devant laquelle les deux policiers avaient pris place.
    Il s’agissait d’une sanguine de format oblong représentant une jeune fille dans trois poses différentes, dont une de dos. Le modèle regardait sur le côté et, au centre, portait une amphore à la main. Le tracé était d’une qualité exceptionnelle. Tron était sûr d’avoir déjà vu ce motif quelque part – trois Grâces tournées vers la gauche. Mais où ? Chez Alphonse de Sivry ? Sur un autre dessin ou sur un tableau ? Était-ce seulement à Venise ?
    Soudain, il se rappela. Oui, c’était cela. Ce voyage pluvieux à Rome, entrepris avec son père plus de quarante ans auparavant. Ils avaient logé chez des cousins dans une villa au bord du Tibre. Pendant que son père vaquait à ses occupations, il avait passé la majeure partie du séjour à lire au rez-de-chaussée. Et quand il levait les yeux de son livre, c’était pour admirer le plafond orné de noces mythologiques auxquelles trois Grâces se tournant vers la gauche assistaient dans le coin
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