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Gisors et l'énigme des Templiers

Gisors et l'énigme des Templiers

Titel: Gisors et l'énigme des Templiers
Autoren: Jean Markale
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vrai dire, nous nous en moquâmes.
Mais, au retour, la camionnette dans laquelle nous étions tous empilés tomba en
panne. Doit-on croire aux coïncidences ? Je visitai également
Bézu-la-Forêt. Je commençai à m’intéresser sérieusement à l’étymologie, et ce
nom bizarre m’intriguait : il est incontestablement celtique, mais
signifie-t-il simplement « les bouleaux », les « tombeaux »
(c’est le plus vraisemblable) ou provient-il de la contraction d’un ancien albodunum , autrement dit la « forteresse
blanche » ? Pourquoi faut-il que dans l’Aude, dans le Razès
précisément, non loin de Rennes-le-Château, il y ait un Bézu où se sont établis
les Templiers, d’ailleurs dans des conditions assez obscures ?
    Ce nom m’agaçait d’autant plus que je le voyais répété à
Bézu-Saint-Éloi, tout près de Gisors, et que je le reconnaissais comme le
premier terme d’une autre paroisse de la région, sise en Seine-Inférieure
(ainsi qu’on disait, à l’époque), le charmant village de Bézancourt. Nous y
allâmes tous, avec la fameuse camionnette, pour la fête de saint Christophe, le
patron de la paroisse, fête qui donnait lieu à une grand’messe chantée, a une
procession et à la traditionnelle bénédiction des véhiculés. Nous étions commis
pour constituer la chorale. Le curé de Bézancourt, c’était de notoriété
publique, vivait maritalement avec sa bonne et en avait un enfant qu’il élevait
avec amour. L’archevêque de Rouen avait voulu déplacer ce peu scrupuleux
ecclésiastique, mais les paroissiens, qui aimaient bien leur curé, s’y étaient
opposés farouchement. Après tout, le pape Clément V, l’un des protagonistes
de l’affaire des Templiers, pillait sans vergogne les deniers de l’Église –
c’est-à-dire des fidèles – pour subvenir aux dépenses somptuaires de sa
maîtresse, la belle comtesse de la Marche. Mais personne alors n’aurait osé en
parler. Ici, cela se passait au vu et au su de tout le monde, et les
paroissiens n’étaient pas les derniers à subvenir, en toute connaissance de
cause, aux besoins de cette étrange famille. À l’époque, je n’avais pas encore
entendu parler de l’abbé Béranger Saunière, ni même d’un certain curé d’Urufle
qui défraya la chronique, dans les années cinquante, pour avoir atrocement
massacré sa maîtresse enceinte. En tout cas, le curé de Bézancourt n’avait pas
trouvé de trésor dans un des piliers de son église. Il vivait très simplement.
C’était un homme sympathique et ouvert, et sa « bonne » était fort
jolie. Avec mes camarades, nous nous contentions de faire des jeux de mots
douteux sur le nom de Bézancourt. Je ne sais pas ce qu’est devenu cet
ecclésiastique, mais on m’a dit depuis que saint Christophe n’avait jamais
existé et qu’il s’agissait seulement d’une pieuse légende. Il a pourtant fait
des miracles en compagnie de saint Georges qui, lui non plus, n’a, paraît-il,
jamais existé. Ce que je puis assurer, c’est que ce jour de juillet 1948,
le 25 très exactement, nous chantâmes de bon cœur – et en chœur – pendant la
grand’messe, et que nous assistâmes tous à la traditionnelle bénédiction.
    Il y avait quelque chose de digne et de touchant dans cette
cérémonie que l’Église considère maintenant comme une survivance d’une indigne
superstition. Il est vrai que l’Église romaine n’en est pas à un reniement
près. Et si j’ironise à propos de saint Christophe qui n’existe pas et qui a
pourtant fait des miracles, c’est parce que je sais qu’il faut voir plus loin
que les versions officielles répandues urbi et orbi par
des personnages qui se sont arrogé des droits infaillibles auxquels n’auraient
jamais prétendu les premiers apôtres. Nous sommes tous des Christophe ,
du moins devrions-nous tous porter le Christ – pas le Crucifié, l’ Oint – et ainsi provoquer des miracles qui cesseraient du
coup d’être surnaturels pour devenir les actes du quotidien.
    Cela dit, ce 25 juillet 1948, sous le soleil de
midi, lorsque nous retournâmes à Puchay, les plateaux du Vexin brillaient de
tous leurs feux. Le vent s’était levé et balayait les blés comme des vagues de
la terre. J’aimais ce pays. J’aimais le vent qui m’apportait les prémices de la
mer. J’aimais ces chemins qui se croisaient au milieu des champs : j’y
voyais des voyageurs de l’ancien temps, à pied, s’en allant vers le
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