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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis
Autoren: Albert le Roy
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Deschartres, ne devait jamais oublier cet esclandre. Maurice s'efforça de consoler sa mère par de mensongères promesses. Il lui écrivit : «Enfin que crains-tu et qu'imagines-tu ? Que je vais épouser une femme qui me ferait rougir un jour ?... Ta crainte n'a pas le moindre fondement, Jamais l'idée du mariage ne s'est encore présentée à moi ; je suis beaucoup trop jeune pour y songer, et la vie que je mène ne me permet guère d'avoir femme et enfants. Victoire n'y pense pas plus que moi» Puis il entre dans des détails pour rassurer madame Dupin, et il va sans nul doute à l'encontre de ses visées. Victoire est veuve, elle a une petite fille. Elle travaillera pour vivre. Elle a déjà été modiste ; elle tiendra de nouveau un magasin de modes. Et il conclut : «Est-ce que je peux, est-ce que je pourrai jamais prendre un parti qui serait contraire à ta volonté et à tes désirs ? Songe que c'est impossible, et dors donc tranquille.»
    L'orgueil de la châtelaine de Nohant devait être exaspéré, à la seule pensée que cette modiste pourrait devenir sa bru et porter le nom presque seigneurial des Dupin. Mais il y avait plus. Victoire, éloignée de La Châtre, continuait d'écrire à Maurice, et quelles lettres ! En ce point, elle était la digne émule de Thérèse Levasseur. Et George Sand, qui nous donne sur sa mère des renseignements qu'elle aurait pu et dû taire, souligne son manque d'instruction : «C'est tout au plus si à cette époque elle savait écrire assez pour se faire comprendre. Pour toute éducation, elle avait reçu en 1788 les leçons élémentaires d'un vieux capucin qui apprenait gratis à lire et à réciter le catéchisme à de pauvres enfants...
    Il fallait les yeux d'un amant pour déchiffrer ce petit grimoire et comprendre ces élans d'un sentiment passionné qui ne pouvait trouver de forme pour s'exprimer.» Cependant Maurice était conquis et subissait l'ascendant de cette nature inférieure. Il y a une histoire assez louche et assez répugnante au sujet de l'argent qu'elle lui avait prêté et qui venait du général. La restitution fut effectuée, mais péniblement, et Maurice est obligé de s'en expliquer avec sa mère : «Tous les dons, dit-il, qu'elle lui avait emportés pour en manger le profit avec moi se réduisaient à un diamant de peu de valeur qu'elle avait conservé par mégarde, et qui lui avait été renvoyé avant même qu'elle connût ses plaintes et ses calomnies.» N'importe, il devait être infiniment douloureux pour madame Dupin que son fils fût réduit à lui écrire : «Je ne sais pas si je suis un des Grieux, mais il n'y a point ici de Manon Lescaut.» Devant la perspective d'une telle union, on ne peut que comprendre et approuver les résistances de la mère. Il faudra pourtant qu'elle finisse par céder, par consentir à un mariage que George Sand tâche de justifier en recourant à de véritables paradoxes : «Il va épouser une fille du peuple, c'est-à-dire qu'il va continuer et appliquer les idées égalitaires de la Révolution dans le secret de sa propre vie. Il va être en lutte dans le sein de sa propre famille contre les principes d'aristocratie, contre le monde du passé. Il brisera son propre coeur, mais il aura accompli son rêve.» En vérité, c'est employer de trop grands mots pour expliquer des misères. Et, dans ce conflit d'ordre sentimental, nos sympathies iront plutôt vers madame Dupin que vers Victoire Delaborde.
    Durant bien des mois les tiraillements se prolongèrent. Maurice écrivait à sa mère, le 3 pluviôse an X (février 1802) : «Je te jure par tout ce qu'il y a de plus sacré que V*** travaille et ne me coûte rien... Ne parlons pas d'elle, je t'en prie, ma bonne mère, nous ne nous entendrions pas ; sois sûre seulement que j'aimerais mieux me brûler la cervelle que de mériter de toi un reproche.» Aussi bien toutes les mercuriales de madame Dupin demeuraient impuissantes, et le pauvre Deschartres, chargé du rôle de Mentor, était berné sans vergogne, alors qu'il s'appliquait à tenir son ancien écolier sous sa férule. «Un matin, raconte George Sand, mon père s'esquive de leur commun logement, et va rejoindre Victoire dans le jardin du Palais-Royal, où ils s'étaient donné rendez-vous pour déjeuner ensemble chez un restaurateur. A peine se sont-ils retrouvés, à peine Victoire a-t-elle pris le bras de mon père, que Deschartres, jouantle rôle de Méduse, se présente au devant d'eux.
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