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Francesca la Trahison des Borgia

Francesca la Trahison des Borgia

Titel: Francesca la Trahison des Borgia
Autoren: Sara Poole
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prises concernant les terres nouvellement découvertes à l’Ouest. Ma présence avait été requise tout ce temps-là, sans motif valable ; pour quelle raison un homme aurait-il besoin de son empoisonneuse pour décider du partage du monde ? Mais comme j’avais joué un rôle l’année précédente dans son accession au trône de Saint-Pierre, Sa Sainteté avait pris l’habitude de m’avoir à portée de main. J’aimerais vous dire qu’il me considérait comme une sorte de talisman, mais ce serait mentir ; pour lui, avoir toujours un œil sur moi était plutôt faire acte de prudence, de crainte que je ne fasse Dieu sait quoi.
    Je m’appelle Francesca Giordano et je suis la fille de feu Giovanni Giordano, qui resta dix ans au service de la cour des Borgia en tant qu’empoisonneur, et pour sa peine fut assassiné. Je lui ai succédé après avoir tué l’homme choisi au départ pour prendre sa place. J’ai également tranché la gorge de l’un de ses meurtriers. Enfin, j’ai tenté d’empoisonner l’homme responsable de tout cela – du moins le croyais-je, à l’époque. Seul Dieu sait si le pape Innocent viii est mort de ma main.
    Si l’idée d’aller plus avant dans mon histoire vous rebute, songez que j’avais de bonnes raisons d’agir ainsi, tout au moins si l’on considère les choses de ma perspective. Pourtant, je ne peux nier qu’une noirceur m’habite. Je ne suis pas comme les autres, bien que je sois en mesure de prétendre le contraire, au besoin. Je suis ce que je suis, et que Dieu ait pitié de mon âme. Mais nous pouvons tous en dire autant, n’est-ce pas ?
    Derrière les hautes fenêtres qui donnaient sur la place devant Saint-Pierre, le bel après-midi s’étirait. Un vent venu du nord avait chassé le plus gros de la puanteur qui imprègne la ville en permanence, et cette dernière baignait à présent dans le parfum des vergers de citronniers et des champs de lavande après lesquels tous les bons Romains disent languir. Mais c’est un mensonge : à peine restons-nous quelques jours à la campagna que la crasse et le tumulte de notre ville bien-aimée nous manquent déjà.
    Les papes se succèdent, les empires s’attaquent et des mondes nouveaux émergent, mais Rome reste éternelle – ce qui veut dire que comme de coutume, ses habitants étaient occupés à suer sang et eau, à pousser des jurons, à besogner, à faire ripaille, à forniquer, de temps à autre à prier et, surtout, à colporter des rumeurs sans relâche.
    Comme je rêvais d’être parmi eux plutôt qu’assise sur ma banquette inconfortable, sous l’œil sévère des secrétaires de Borgia, tous deux hommes, tous deux prêtres, et tous deux n’ayant que mépris pour moi.
    Non que je le leur reproche. À la seule mention de ma profession peur et dégoût se lisent sur les visages, mais reste qu’indéniablement, en tant que femme évoluant dans un monde d’hommes, je déconcertais un grand nombre de mes congénères masculins. J’avais vingt ans en ce temps-là, les cheveux auburn, les yeux marron et, bien que mince, des formes féminines. Un détail également prompt à piquer certains hommes (en particulier les prêtres) au vif – ou à autre chose. Les hommes s’enflamment pour tant de raisons qu’il est bien souvent impossible d’en retrouver la cause.
    Borgia étant Borgia, toute jeune femme un tant soit peu attirante n’aurait su être en sa compagnie sans qu’on la soupçonne de partager sa couche. Mais dans mon cas, détrompez-vous. Au fil des ans, Borgia et moi avons partagé beaucoup de choses que l’on pourrait qualifier d’improbables entre un homme de son envergure et une femme comme moi, mais la couche n’en a jamais fait partie.
    Quant à son fils aîné, César, c’était une autre affaire. Songer au fils de Jupiter, ainsi que ses admirateurs au style le plus alambiqué le décrivaient parfois, eut pour agréable effet de me distraire de l’interminable séance. Il avait quitté Rome depuis plusieurs semaines pour s’occuper des affaires de son père, et en son absence mon lit était devenu froid.
    Ma rencontre avec César remontait à l’enfance, que nous avions passée tous deux au palazzo de Borgia sur le Corso, lui en tant que fils du cardinal, moi en tant que fille de l’empoisonneur. Ce qui avait commencé par des regards furtifs avait évolué au fil des ans, jusqu’à cette nuit où il m’avait trouvée dans la bibliothèque. J’étais en train de
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