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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France
Autoren: Robert Merle
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était brave,
endurant, et bien qu’il ne soufflât mot de sa licence en médecine (de peur
d’être cantonné dans le rôle de chirurgien des armées, qui ne lui aurait pas
plu), il soignait et pansait les blessures de ses compagnons, ce qui le fit
aimer des chefs comme des soldats.
    Il
servit, non pas cinq ans, mais neuf ans, dans la légion, de 1536 à 1545, et, à
chaque campagne, gagna une blessure et un grade. De centenier, il devint
enseigne. D’enseigne, il passa lieutenant. Et de lieutenant, en 1544, tailladé
et arquebusé en toutes les parties du corps hors les vitales, il passa
capitaine.
    Ce
grade dans la légion était un sommet pour qui s’était engagé soldat, mais ce
n’était pas un petit sommet, puisqu’il vous donnait le commandement de mille
légionnaires, une solde de 100 livres par mois de campagne et une plus grande
part à la picorée lors du pillage des villes. Privilège plus cher encore à mon
père, il entraînait l’anoblissement avec le titre d’Écuyer, bellement et
noblement gagné puisqu’il l’avait été par la valeur et le sang, et non par les
écus ou la complaisance d’une épouse.
    Le
jour où on nomma mon père capitaine, on promut en même temps que lui son ami et
compagnon de tous les jours, bons et mauvais, Jean de Sauveterre. Entre les
deux s’étaient tissés, dans les hasards des batailles et jusque dans les dents
de la mort d’où ils s’étaient l’un l’autre plusieurs fois retirés, des liens
d’une affection extraordinaire, que ni le temps, ni les traverses, ni le
mariage de mon père ne purent jamais entamer. Jean de Sauveterre avait quelque
cinq ans de plus que Jean de Siorac, et aussi brun de peau que Jean de Siorac
était blond, l’œil noir, le visage couturé, le parler bref.
    Mon
père ne resta pas longtemps Écuyer. En 1545, il se battit si vaillamment à
Cérisoles qu’il fut fait Chevalier sur le champ de bataille par le Duc
d’Enghien qui commanda ce jour fameux. Mais la joie de mon père fut gâchée par
la grave blessure que Jean de Sauveterre reçut alors à la jambe gauche et dont
il resta boiteux. La paix revenue, le mieux que pouvait attendre Jean de
Sauveterre était quelque service de citadelle, ce qui l’eût séparé de l’autre
Jean : pensée insupportable, pour l’un comme pour l’autre.
    Ils
en étaient à rouler sur l’avenir ces tristes pensées, quand mon grand-père
Charles mourut. Il avait eu à peine le temps de se réjouir de l’éclat que la
fortune de son cadet versait sur sa famille. Il attendait et annonçait partout,
parmi les bourgeois de Rouen, la proche visite de son fils, le « Chevalier
de Siorac », quand il fut pris d’un grand renversement de boyaux  –
un miserere, d’après ce qui fut dit [4] .
Et il expira, dans la sueur et la douleur, sans avoir revu son cadet, le seul
fils qui lui restait, et le seul de ses enfants qu’il aimât vraiment, car ainsi
que je l’ai dit, il tenait ses filles pour rien.
    Le
Chevalier de Siorac recueillit sa part d’héritage, qui se montait à 7 537
livres, et de retour au camp, il s’enferma dans la tente qu’il partageait avec
Jean de Sauveterre, et fit avec lui ses comptes. Regardant tous deux à la
dépense, et n’aimant ni le jeu ni le vin  – les deux fondrières du soldat
 – ils avaient économisé l’argent de leur solde et peu touché à leur part
de picorée. Ayant confié en outre, au cours des ans, de gros pécules à un
honnête juif de Rouen, qui les avait fait prospérer par l’usure, ils se
trouvèrent riches à eux deux de 35 000 livres, somme qui leur parut suffisante
pour s’établir dans le ménage des champs, sans d’ailleurs vouloir mesurer ce
qui revenait à l’un ou à l’autre, puisqu’ils voulaient désormais tout partager,
les profits comme les pertes.
    Avec
la permission du lieutenant-général, et avec ses regrets, les deux Jean
quittèrent alors la légion de Normandie, avec leurs chevaux, leurs armes, leurs
trésors et trois bons soldats attachés à leur service. L’un conduisait un char,
qui emportait tous leurs biens périssables, et aussi un assortiment de
pistolets, d’arquebuses et de poitrinaires, pris à l’ennemi, et tous chargés.
De la Normandie au Périgord, les routes étaient longues et peu sûres, et la
petite troupe chevaucha avec prudence, évitant les bandes nombreuses, mais
taillant en pièces les petits caïmans qui avaient l’effronterie d’exiger d’eux
un péage au passage des
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