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Fiora et le Pape

Fiora et le Pape

Titel: Fiora et le Pape
Autoren: Juliette Benzoni
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miche y passa, accompagnée de
quelques gorgées d’eau fraîche. Il convenait d’en garder assez pour le petit
matin. On ne lui en rapporterait pas.
    La nuit
s’installa et les heures commencèrent à couler. Philippe avait envie de dormir,
mais hésitait à se laisser aller au sommeil : le geôlier ne lui avait-il
pas dit qu’un prêtre viendrait cette nuit ? Se confesser à moitié endormi
est chose peu facile. Finalement, et comme le temps coulait sans amener
personne, il s’étendit sur sa couchette, ferma les yeux et s’endormit.
    Une
main qui secouait doucement son épaule le réveilla. Il vit qu’un jour grisâtre
glissait dans son soupirail et comprit qu’il avait dormi paisiblement sa
dernière nuit. La main appartenait à un petit moine dont la robe grise était
celle des Frères mineurs, ordre jadis fondé par saint François d’Assise. Encore
englué dans le sommeil, Philippe entendit une voix douce lui murmurer :
    – L’heure
approche, mon fils. Je suis venu vous assister. Il faut vous préparer à
paraître devant votre Créateur...
    Le
petit moine avait des yeux clairs, pleins de compassion, dans un visage que la
maturité n’avait pas encore griffé. Philippe lui sourit.
    – Je
suis tout à vous, mon frère. Savez-vous combien de temps il me reste à vivre ?
    – L’heure
de prime n’est pas encore sonnée. Vous ne mourrez que dans le milieu de la
matinée.
    Le
prisonnier se sentit pâlir.
    – Je
ne crois pas avoir assez de fautes à avouer pour tout ce temps. Sans doute,
avant l’échafaud, vais-je devoir subir la question ?
    – Je
ne crois pas. Personne ne m’en a rien dit et, normalement, j’en aurais été
averti. Je crois, ajouta-t-il avec un demi-sourire, que vous pourrez marcher
fermement à la mort, si c’est cela qui vous tourmente.
    Philippe
ne put retenir un soupir de soulagement. C’était la meilleure nouvelle que l’on
pût lui apporter. Rien ne viendrait amollir son courage, et ceux qui se
rassemblaient peut-être déjà sur la place du Morimont verraient comment meurt
un chevalier de la Toison d’or.
    S’agenouillant
devant le moine assis sur la planche, il entreprit de vider son âme de tout ce
qu’elle avait pu, en quelque trente ans d’existence, accumuler de fautes,
lourdes ou vénielles. Ce fut plus long qu’il ne l’avait imaginé car, à mesure
qu’il remontait le temps, sa mémoire restituait des souvenirs plus ou moins
ensevelis avec les visages de ceux qu’il avait tués, en guerre ou en duel. Le
plus difficile fut sans doute d’avouer par quel moyen il avait obligé Francesco
Beltrami à lui donner la main de Fiora et la dot fabuleuse qui l’accompagnait.
    – Mais
cet or, plaida-t-il, je ne le voulais pas pour moi. Il était pour mon prince
dont la trésorerie en avait le plus grand besoin.
    – J’entends
bien, dit le moine sévèrement, c’était pourtant faire bon marché d’une âme
innocente. Cette jeune fille, vous ne pouviez pas l’aimer...
    – Je
le pouvais si bien que je l’aime toujours, qu’elle est ma femme et que je ne
cesserai jamais de l’aimer. J’ai été pris à mon propre piège et c’est là mon
châtiment. Ma seule douleur est de n’avoir plus d’elle la moindre nouvelle.
    Il y
eut un silence que troublait seule la respiration oppressée de Selongey. Le
moine le regardait sans le voir, absorbé dans un rêve intérieur. Soudain, il
tira de sa robe un petit rouleau de papier qu’il mit dans la main du
prisonnier.
    – Un
homme que j’ai vu hier au soir m’a supplié de vous faire tenir ce billet. Il
contient, paraît-il, ces nouvelles que vous n’espériez plus.
    Philippe
prit le message comme il aurait reçu l’hostie. Ses yeux couleur d’or venaient
de s’illuminer.
    – Cet
homme, vous a-t-il dit son nom ?
    – Je
n’aurais pas accepté autrement. Il m’a dit s’appeler Matthieu de Prame.
    Oubliant
qu’il devait rester à genoux jusqu’à ce qu’il ait reçu l’absolution, Philippe,
envahi d’une grande joie, se releva et marcha vers le soupirail que l’aurore
envahissait de sa lumière rose. Son cœur battait à tout rompre dans sa
poitrine, presque douloureux. Ses doigts tremblaient autour du mince rouleau qu’il
n’osait pas ouvrir. Quand, en mars dernier, il s’était séparé, à Gand, de Prame
qui avait été son écuyer, mais dont tant d’années côte à côte dans la guerre
comme dans la paix avaient fait le meilleur et le plus sûrs des amis, il
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