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Fiora et le Magnifique

Fiora et le Magnifique

Titel: Fiora et le Magnifique
Autoren: Juliette Benzoni
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peur jadis, lui tenait au cœur à présent. Ce n’était ni la profonde
tendresse éprouvée pour son père, ni l’amour brûlant que lui avait inspiré
Philippe et qu’elle soupçonnait de couver encore sous les cendres, ni l’affection
qu’elle vouait à sa vieille Léonarde et dont Khatoun avait emporté une part, ni
la joyeuse amitié qui la liait à Chiara Albizzi, c’était un sentiment fait de
reconnaissance, d’amitié et aussi de respect un peu craintif assez semblable à
celui qu’elle portait autrefois à ces maîtres qui avaient ouvert son esprit à
la culture et à la beauté. C’était, en résumé, quelque chose de solide et de
fort. Tous deux n’étaient-ils pas liés d’ailleurs par ce pacte qu’ils avaient
conclu et où leurs sangs s’étaient mêlés ? ... Quand ils furent en haut de
la tour, Fiora s’approcha de Démétrios qui s’appuyait, d’un geste familier, au
vieux créneau et posa sa main sur la sienne.
    – Nous
n’avons plus beaucoup de famille, toi et moi, dit-elle doucement.
    – Tu
as un mari...
    – Non.
C’est un rêve que j’ai fait et qui s’est tourné en dérision. Si je souhaite le
retrouver c’est pour lui faire payer ma souffrance et son mépris. Il a tout
pris de moi sans rien donner, qu’un nom que je ne porterai jamais. Toi, tu m’as
sauvée et même, au prix de ta sécurité, tu as assumé ma vengeance. Et puisque
nous avons mêlé nos sangs, j’aimerais que tu voies en moi... une fille.
    – Une
petite-fille ! Je pourrais être ton grand-père, Fiora. Mais vois-tu, nous
ne savons pas ce que l’avenir nous réserve...
    – Même
toi ?
    – Même
moi ! Le voile du destin ne se lève pas toujours et le cours des étoiles
oublie bien des détails. Peut-être vaut-il mieux ne pas nous laisser prendre au
piège de l’affection ? Nous pourrions avoir à en souffrir. Nous nous
sommes unis pour être compagnons de combat : essayons de nous en contenter
mais je veillerai sur toi... comme un grand-père. Et je n’oublierai jamais ce
que tu m’as offert aujourd’hui : mon premier instant de joie depuis la
mort de Théodose...
    A son
tour, il prit la main de Fiora, y posa un baiser léger puis glissa cette main
sous son bras :
    – C’est
l’heure du repas. Descendons pour éviter à Esteban de grimper jusqu’ici nous
chercher.
    Vers
la fin du jour, ils remontèrent à la tour. Une rumeur montait de la ville avec
des nuages de poussière. Il se passait quelque chose qui déchaînait l’agitation
populaire, toujours à fleur de peau chez les Florentins. Ce n’était pas l’émeute
car la Vacca, la grosse cloche de la Seigneurie qui ne servait que pour sonner
le tocsin, restait muette. Soudain, des appels de trompettes se firent entendre
et Démétrios se pencha, abritant ses yeux de sa main :
    – Regarde !
Le soleil n’est pas encore couché et cependant on ferme les portes...
    C’était
vrai. Même à cette distance on pouvait entendre le bruit des herses qui
retombaient, le grincement des pont-levis qui remontaient. L’œil aigu de
Démétrios, servi par la pureté de l’air des collines, avait même aperçu ces
mouvements. La ville se refermait plus tôt que d’habitude. Il semblait même qu’il
y eut plus de soldats aux remparts...
    – Est-ce
qu’un ennemi marcherait sur nous ? demanda Fiora.
    – En
ce cas, la Vacca sonnerait pour l’appel aux armes. Non c’est à l’intérieur que
cela se passe et l’on veut éviter que l’agitation se répande dans la
campagne... Mais regarde encore ! Il y a quelque chose qui brûle là-bas...
    En
effet, en un point de la ville, vers le fleuve, une épaisse fumée noire,
traversée d’éclats rouges, montait...
    – Mon
Dieu ! gémit Fiora, c’est folie que d’allumer un feu en ville où il y a
encore bien des maisons de bois ! Et, on dirait que c’est près de chez
nous...
    Démétrios
ne répondit pas. Tous deux restèrent là un moment, regardant monter cette fumée
au sud et le soleil s’enfoncer vers la mer. La campagne devint violette et le
calme du soir permit de mieux distinguer le tintamarre qui régnait dans la
ville close... Fascinés, le Grec et la jeune femme ne pouvaient détacher leurs
yeux de cette espèce de marmite bouillonnante où les toits mêmes, dans la
poussière et la lumière incertaine, semblaient bouger à la manière des vagues.
La voix essoufflée d’Esteban qu’ils n’avaient pas entendu venir éclata soudain
auprès
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