FBI

sont moins. Les rapports concernant les raids Palmer du début du siècle dernier et ceux concernant les gangsters sont publiés in extenso , contrairement à ceux qui concernent l’assassinat du président Kennedy. En revanche, il n’est pas question d’accéder à des informations concernant les opérations d’espionnage ou de contre-espionnage menées par le Bureau. Les historiens ont dû patienter plusieurs décennies avant de découvrir l’ampleur des actions du FBI contre les réseaux nazis, puis contre les agents soviétiques implantés aux États-Unis. Ce n’est que dans les années 1980 que le Bureau a autorisé la publication des documents soviétiques interceptés et décodés à partir des années 1940 dans le cadre de l’opération « Venona » : des documents si confidentiels que le Bureau a parfois préféré perdre des procès plutôt que d’en révéler la teneur.
    Ce n’est qu’en 1998 que le Bureau a livré les secrets de sa lutte anti-nazie après que le président Bill Clinton eut signé le Nazi War Disclosure Act ordonnant à toutes les agences gouvernementales de déclassifier les documents concernant les nazis et anciens nazis, figurant encore dans leurs archives secrètes. Depuis lors, les révélations sur les grandes affaires traitées par le FBI se multiplient. La bibliothèque électronique mise en ligne par le Bureau compte des milliers de rapports, auxquels il faut ajouter les dizaines de milliers d’autres documents archivés à la Bibliothèque du Congrès et aux Archives nationales (NARA). Une mine d’or pour les chercheurs et les historiens qui ont publié des dizaines d’ouvrages sur le FBI depuis les années 1980. Notre enquête se base sur ces documents en grande partie inédits. Ils nous ont permis d’interroger plus en profondeur des témoins de premier ordre. En croisant les sources, nous étions à même d’écrire l’histoire de l’organisation en réussissant à faire ce que personne n’avait jamais pu encore réaliser, faute de moyens : confronter les archives aux témoignages des agents impliqués.
    FBI Special Agent ! Un nouveau héros américain est né au début du siècle dernier : l’agent en costume gris, au volant de sa limousine, avec en toile de fond les paysages plus ou moins grandioses des États-Unis. Qu’on le surnomme « G-Man » ou « Fed », il cristallise la haine des ennemis de l’Amérique, mais il est devenu un élément central de la culture populaire américaine (films, séries radiophoniques et télévisées, bandes dessinées, romans, chansons, etc.) depuis que, en 1935, le film G-man , avec James Cagney, a propulsé l’agent du FBI au cœur des mythes américains. Il se veut le paladin des temps modernes, le preux chevalier de toutes les luttes contre le crime. Mais qu’en est-il vraiment ?
     
    Le FBI de J. Edgar Hoover est avant tout une affaire d’hommes, et on verra que les femmes ont payé cher le droit d’être à leur tour Agent spécial. Longtemps, le Bureau a été le reflet inversé de son créateur : blancs, les agents devaient sortir des meilleures universités, être taillés comme des joueurs de football américain, équipés de toute une panoplie (badges, flingues, gilets pare-balles, magnétophones, micros scotchés sous la chemise), avec leurs déguisements, leurs laboratoires, les méthodes d’interrogatoires et leurs planques. Toute une iconographie « pop » propre à nourrir les rêves. La centaine de témoins que nous avons interrogés témoigne du bonheur d’avoir été agent du FBI : de Tony Daniels, l’as de la lutte anti-mafia (« quelle autre organisation vous donne une arme, un badge, une voiture, et vous envoie chasser dans les rues ? ») à Dan Coleman, fin connaisseur de Ben Laden, qui parle de « la culture individualiste » des agents du FBI, ils sont unanimes : « Diriger les agents du FBI, c’est être le berger d’un troupeau de chats. C’est pour cela que nous sommes bons : nous sommes des individualistes dévoués à la cause commune. »
    Nous avons rédigé cette histoire comme une formidable saga, la tête pleine de films, de séries télévisées, d’émissions de radio, de chansons et de romans de gare. Notre reconstitution se nourrit de documents audiovisuels et sonores : images de filatures en huit millimètres, conversations secrètes entre les présidents Johnson et Nixon avec les directeurs du FBI et certains de leurs hommes, entre autres