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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch
Autoren: Jean-Pierre Charland
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genre.
    —    Dommage. J'en serai quitte pour ruiner mon dimanche. Passer trois heures à entendre évoquer de nouvelles stratégies pour devenir encore plus riche gâche toujours ma digestion. Je suis d'une nature délicate.
    Marie répondit par un sourire, quoique la richesse, tout comme la pauvreté d'ailleurs, lui paraissait un sujet trop sérieux pour devenir un objet d'humour.
    Une demi-heure plus tard, alors que les clients se faisaient rares, Alfred Picard se résolut à jouer un peu son rôle de frère aîné du patron :
    —Je monte au sixième pour donner le signal de la fermeture. Nous ne vendons plus rien maintenant. Le coût de l'électricité, pour éclairer tout ce bazar, est sans doute plus élevé que les profits que nous encaissons depuis une heure.
    Le chef de rayon ne se souciait guère de la main-d'œuvre : que les vendeuses terminent à six ou à neuf heures, elles ne touchaient pas un cent de plus. Quant aux hommes qui dirigeaient la douzaine de départements que comptait le magasin, leur sort différait un peu. Ils devaient gérer ceux-ci comme autant de petits commerces indépendants, de façon à générer leur part de profit. Leur revenu annuel dépendait de leur succès. Ceux-là pouvaient désirer encore allonger la journée de travail, pour améliorer leur pitance.
    Après avoir entendu une sonnerie indiquant que les portes fermeraient dans quinze minutes, les derniers clients commencèrent à se retirer vers la sortie. Alfred Picard passa sur les différents étages afin de presser le personnel de ranger la marchandise et de fermer les lampes électriques.
    Au moment de passer la porte l'un des derniers, l'homme remarqua Marie Buteau qui se tenait un peu à l'écart, un sac de papier brun à la main. Elle avança, intimidée, pour déclarer :
    —    Monsieur, une cliente a laissé des vêtements pour repartir avec ses achats sur le dos. Votre frère a dit de tout laisser au chiffonnier, mais j'aimerais les garder pour moi.
    La pauvreté faisait mauvais ménage avec la fierté. La jeune fille en était réduite à demander la charité, résolue à essayer de tirer parti des hardes abandonnées par Elisabeth Trudel dans l'après-midi.
    —    Mon frère semble oublier que l'on fabrique maintenant le papier avec de la pâte de bois. Les vieux chiffons ne servent plus à rien, et les chiffonniers réduits au chômage sont disparus de nos rues... Si vous trouvez votre bonheur dans ces vêtements, tant mieux pour vous.
    —    ... Merci !
    En sortant de l'édifice, Alfred Picard s'écarta un peu pour laisser passer la vendeuse devant, tout en posant une main légère sur sa taille. Sur le trottoir, il lança un «Bonsoir, Marie. A lundi matin» sur un ton joyeux, puis sortit de sa poche une lourde clé pour verrouiller à double tour. Un autre chef de rayon prenait la même précaution avec la sortie arrière, sur la rue DesFossés.
    —    Bonsoir, monsieur Alfred, murmura la jeune fille.
    Les réverbères au gaz jetaient des halos jaunâtres dans le jour déclinant. L'employé municipal achevait de les allumer dans la rue Saint-Joseph, avant de faire de même rue de la Couronne. Toutes les autres artères de la Basse-Ville demeureraient dans l'obscurité, alors que la lumière ne ferait pas défaut aux gens de la Haute-Ville.
    Marie Buteau marcha vers l'est jusqu'à la rue du Pont, emprunta celle-ci en direction de la rivière Saint-Charles jusqu'à l'intersection de la rue de la Reine. A cause du nombre des bâtisses construites en bois, des incendies dévastaient régulièrement les faubourgs de Québec. Malgré tout, certaines demeures survivaient depuis le début du siècle. Elles se reconnaissaient facilement à leur toit à larmiers, percé de lucarnes. Les édifices plus récents présentaient des toits plats et des revêtements de brique. Hauts de deux ou trois étages, ils comptaient quelques appartements où s'entassaient des familles nombreuses.
    La jeune vendeuse pénétra par une porte basse dans l'une de ces vieilles maisons aux murs extérieurs un peu ventrus. Elle se retrouva directement dans une cuisine enfumée où régnait une lourde odeur de choux et de sueur.
    —    Pauvre petite, c'est indécent de vous faire travailler si tard, grommela une femme crasseuse qui s'agitait devant son poêle à bois.
    —    Nous fermons quand il ne reste plus aucun client, expliqua Marie pour la millième fois à sa logeuse.
    —    Tu devrais venir à la
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