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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch
Autoren: Jean-Pierre Charland
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manufacture ! Nous arrêtons de travailler à heure fixe.
    La remarque venait d'une grande fille brune, Yvonne, assise à la lourde table qui encombrait le centre de la pièce. Les coudes sur la surface de bois, elle tenait son visage blême entre ses mains, exténuée, un bol de soupe vide sous ses yeux cernés. Pour échapper à l'ennui et à la misère qui régnaient dans son village de la Beauce, cette femme était venue chercher fortune dans les manufactures de la ville. Pour une personne de sa condition, la fortune pouvait prendre la forme d'un mari travailleur qualifié. La chance ne lui avait pas souri encore. Recrutée par une entreprise spécialisée dans la fabrication de corsets, astreinte à soixante-douze heures d'un travail éreintant toutes les semaines, elle ne côtoyait depuis deux ans que d'autres femmes, souvent plus jolies, à la recherche du même preux chevalier susceptible de leur permettre d'échapper à ce monde.
    —    C'est parce que vous utilisez encore l'éclairage au gaz, répliqua la vendeuse. Avec la lumière électrique, n'aie crainte, ils vont allonger les heures sans redouter que les coutures ne partent dans tous les sens.
    —Je sers la soupe, assieds-toi, interrompit la maîtresse des lieux, elle aussi désireuse de terminer bientôt sa journée de travail.
    —    Je vais monter cela dans la chambre, et je reviens.
    Sans tarder, Marie Buteau grimpa l'escalier plutôt raide, pénétra dans une chambre tout juste assez grande pour contenir deux lits rangés contre les murs opposés de la pièce. Sauf à l'endroit où une lucarne brisait la ligne inclinée du toit, on ne pouvait s'y tenir debout.
    La jeune femme rangea sous le lit le sac de papier brun, s'assit sur sa paillasse afin d'enlever ses chaussures et de les examiner soigneusement. Avant lundi matin, elle devrait trouver le temps de les cirer et de les polir. Pour aller souper, une vieille paire de godasses éculées ferait l'affaire. Elle prit aussi le temps d'accrocher sa jupe et son corsage dans un minuscule placard afin de mettre des vêtements usés jusqu'à la trame. Impossible d'être vendeuse dans un grand magasin sans montrer une élégance minimale, afin de ne pas répugner les clientes. Impossible de demeurer élégante avec le misérable salaire d'une vendeuse. Pour résoudre ce dilemme, les habits décents devaient être utilisés avec parcimonie, afin de les faire durer le plus longtemps possible.
    Un moment plus tard, éclairée par une lampe à pétrole fumante, Marie avala la soupe préparée par sa logeuse en échangeant de menus propos avec sa compagne. Avant de remonter, elle prendrait la précaution de se rendre à la petite cabane dressée au fond de la cour arrière. Mieux valait satisfaire tous ses besoins avant de se coucher: un voyage à la bécosse en pleine nuit, à cause d'une envie pressante, ne présentait aucun agrément.
    Thomas Picard avait spécifié que les enfants devaient aller au lit vers sept heures. Cela ne signifiait pas qu'ils dormiraient si tôt, surtout qu'en mai on y voyait encore très bien. Aussi, après avoir mangé dans la cuisine, Edouard et Eugénie passèrent par la salle de bain avant de se retrouver dans la chambre de la petite fille. A sept heures, Elisabeth Trudel les rejoignit, un livre à la main qu'elle était allée chercher dans le grenier.
    —Je pense que cela fera l'affaire, mais lundi, nous verrons si nous pouvons trouver mieux.
    Eugénie, vêtue d'une chemise de nuit blanche ornée de dentelles, se trouvait déjà blottie sous les couvertures. Son frère, un peignoir un peu trop grand sur le dos, s'était installé de son mieux, la tête orientée vers le pied du lit.
    Elisabeth approcha une chaise près de la couche afin de s'asseoir, puis commença d'une voix douce :
    La poupée de cire.
    Ma bonne, ma bonne, dit un jour Sophie en accourant dans sa chambre, venez vite ouvrir une caisse que papa m'a envoyée de Paris; je crois que c'est une poupée de cire, car il m'en a promis une.
    LA BONNE. — Où est la caisse ?
    SOPHIE. — Dans l'antichambre : venez vite, ma bonne, je vous en supplie.
    La bonne posa son ouvrage et suivit Sophie à l'antichambre. Une caisse de bois blanc était posée sur une chaise; la bonne l'ouvrit. Sophie aperçut la tête blonde et frisée d'une jolie poupée de cire; clic poussa un cri de joie et voulut saisir la poupée, qui était encore couverte d'un papier d'emballage.
    Ce soir-là, le premier des nombreux Malheurs de
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