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Fatima

Fatima

Titel: Fatima
Autoren: Marek Halter
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traversa-t-elle l’esprit qu’elle se pétrifia. Comment pouvait-elle être aussi bête ? L’amour de son père lui avait-il fait perdre la tête ?
    Mais non, les Bédouins ne pourraient en aucun cas aider Muhammad. Ils devaient se tenir hors de Mekka : la loi de la cité ne leur permettait pas de poser le pied dans la ville.
    Toute sa confiance disparut d’un coup. Un mauvais pressentiment lui serra la gorge.
     
    Elle avait vu juste : à l’orée des premières maisons, la petite troupe de Bédouins qui entourait son père s’immobilisa. Fatima se tenait en retrait, à une vingtaine de pas. Des enfants bédouins tournaient autour d’elle, les yeux mangés de curiosité. Comme toujours, l’obscurité tomba vite. Trop vite.
    Devant, Fatima entendait la voix de son père et les salutations qu’il échangeait avec les patriarches. Elle s’apprêtait à le rejoindre quand un garçon se planta devant elle, si près que leurs épaules se frôlèrent. Il avait son âge, ou à peine plus, mais la dépassait d’une tête. Son visage paraissait fin et intelligent. Il lui parla tout bas, avec respect. Si bas qu’elle ne comprit pas un mot. Agacée, surveillant le groupe autour de son père, elle grogna :
    — Qu’est-ce que tu dis ? Qu’est-ce que tu me veux ?
    — Tu t’appelles Fatima et moi Abd’Mrah, dit-il plus fermement.
    — Et alors ?
    Le garçon eut un geste vers les patriarches qui regardaient Muhammad s’éloigner en direction de la Ka’bâ.
    — Mon père suit ton père depuis longtemps. Il a choisi son Rabb. Et moi, je t’ai vu tirer à l’arc avec le vieux Perse qui n’a qu’une main.
    Fatima ne répondit pas tout de suite. Au bas de la ruelle que devait emprunter son père apparut la flamme vacillante d’une torche.
    — Qu’est-ce que tu veux que cela me fasse ? répliqua-t-elle enfin en se remettant en marche, inquiète.
    Le garçon lui barra le chemin à l’instant où Fatima reconnaissait avec soulagement le porteur de torche. C’était Bilâl, le grand serviteur noir. Sagement, Abdonaï l’avait envoyé se munir de lumière afin que Muhammad ne traverse pas Mekka dans le noir.
    Elle voulut contourner le garçon. Il lui agrippa le bras. Elle se dégagea sèchement.
    — Lâche-moi ou je te fais manger la poussière !
    Abd’Mrah ne parut pas impressionné. Les autres gamins s’attroupèrent autour d’eux.
    — Moi aussi je sais me battre, dit le garçon.
    — Tu ne sais pas qu’un Bédouin ne doit pas toucher la fille de Muhammad le Messager ?
    Elle s’en voulut aussitôt de ces paroles. Elles étaient prétentieuses. Mais le garçon les ignora.
    — Je sais me battre, insista-t-il. Comme on se bat chez nous. Avec des bâtons. Sans arc ni lame de fer.
    Fatima hésita. Là-bas, son père, Abdonaï, Abu Bakr et Tamîn s’éloignaient à grands pas. Pourtant quelque chose dans la posture, ou peut-être le regard, du garçon l’intriguait et la retenait. Elle ne savait quoi. Ne sachant que dire, elle répéta :
    — Et alors ?
    — Quand tu auras besoin de combattre les mauvais, je pourrai t’aider.
    — Je ne comprends rien de ce que tu racontes.
    — Viens me voir entre les tentes de mon père. Je t’apprendrai ce que tu ne sais pas.
    Fatima ne répondit pas. Elle se mit à courir. Le garçon s’élança à son côté, le temps de lui souffler encore :
    — Souviens-toi : je m’appelle Abd’Mrah. Je sais pourquoi tu veux te battre…
    Ils dépassèrent les vieux Bédouins. Le garçon ne pouvait aller plus loin. Fatima s’enfonça seule dans le noir, sautant au jugé sur les dalles inégales de la ruelle. Devant elle, la torche de Bilâl agitait des silhouettes gigantesques sur les murs des maisons. Un instant encore les mots du garçon tournoyèrent dans son esprit, bientôt chassés par le vacarme de la Ka’bâ.

Le complot
    Elle rejoignit son père et ses compagnons au pied du sanctuaire. Une vingtaine de torches et deux grandes vasques de naphte y répandaient une lumière lourde, trouée d’ombres mouvantes, qui teintait d’ocre et de pourpre visages et vêtements.
    La foule y était dense et bruyante. La plupart des hommes étaient amassés près de la porte placée à l’un des angles de l’édifice carré de la Ka’bâ. Certains y entraient, d’autres en sortaient, tous gesticulant et s’apostrophant avec des saluts interminables. La fête annuelle d’Hobal, le dieu de Mekka, approchait. Dans deux jours, le grand marché
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