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Fatima

Fatima

Titel: Fatima
Autoren: Marek Halter
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n’acceptaient pas le Rabb de Muhammad. Ce Dieu unique qui déclarait la guerre à leurs dieux ancestraux, ils le trouvaient dangereux. Il leur fallait abattre son Messager.
    Comment se faisait-il qu’Ashemou eût plus confiance en son père qu’elle-même ? Parfois, il semblait à Fatima que l’ancienne esclave montrait trop de confiance dans l’avenir. Mais elle ne pouvait oublier son étrange capacité à deviner ce que les autres ignoraient. Et puis, cette force dont Ashemou parlait, elle croyait aussi la sentir.
    Depuis qu’elle était petite fille, Fatima avait toujours admiré la force et le courage de Muhammad. Or, depuis la mort de Khadija, son père avait changé.
    Prétendre qu’il devenait un autre eût été faux. Avec elle, il était toujours le même. Tendre, attentif. Ne manquant aucune occasion de lui montrer son amour de père, surtout depuis que ses soeurs, Zaynab, Ruqalya et Omm Kulthum, la « bande des trois », comme Fatima les appelait secrètement, avaient épousé des imbéciles incapables de se soumettre au Rabb de leur beau-père.
    Cependant, il y avait quelque chose de différent. Cela ne venait pas de l’autorité ou de l’intransigeance que Muhammad pouvait montrer. Pas même de ses silences et de ces nuits mystérieuses où il allait marcher dans la montagne. Ou des journées entières qu’il passait dans la chambre de Khadija pour en sortir frais, joyeux, apaisé, comme s’il revenait d’un long voyage. Après l’avoir embrassée, il s’empressait d’aller à la Ka’bâ ou sur la place du marché pour parler jusqu’à la nuit à qui voulait bien l’écouter.
    Comme tous ceux de la maisonnée, Fatima s’était depuis longtemps accoutumée à ces bizarreries. Mieux encore, elle aimait voir son père dans ces instants-là, car il lui apparaissait comme le plus beau des hommes que la terre pût porter. Mais son coeur lui soufflait qu’une part de celui qu’on appelait Muhammad le Messager demeurait secrète. Et pas même elle, sa fille la plus proche, le sang de son sang, ne pouvait l’approcher. Cela n’en faisait pas un étranger. Parfois, cependant, son père lui semblait aussi insaisissable que ces ombres très belles qui, à la tombée du jour, plissaient les falaises des montagnes et paraissaient contenir des merveilles impalpables.
     
    Fatima balaya du regard les rares fidèles réunis dans le cimetière, agenouillés autour de la tombe de sa mère. La vérité crevait les yeux : on pouvait les compter sur les doigts des deux mains ! Et qui étaient-ils ? Quelques vieux et des adolescents qui se soutenaient les uns les autres…
    Et puis Abu Bakr, parfaitement droit malgré ses cheveux blanchis par le temps.
    Le fidèle Tamîn al Dârî, petit, grassouillet, aux gestes rapides et précis.
    Abdonaï le Perse qui, après quarante ans de sa vie donnés à Khadija bint Khowaylid, avait reporté sa fidélité sur celui que sa maîtresse avait aimé plus que tout.
    Le tendre et savant Zayd ibn Hârita, un fils du pays de Kalb qu’avait adopté Muhammad.
    Le vieux hanif Waraqà, devenu à demi aveugle et si tremblant qu’il ne quittait plus la cour de sa maison depuis quatre ou cinq saisons. Au moins ne cédait-il jamais devant la menace : seule la mort aurait pu l’empêcher de venir aujourd’hui prier sur la tombe de sa cousine Khadija.
    L’oncle Abu Talib, qui avait encore maigri. Jamais il ne serait parvenu au cimetière s’il n’avait pu s’appuyer sur son fils Ali.
    Le bel Ali, comme l’appelait Fatima avec une grimace de moquerie. Un garçon plus âgé qu’elle d’à peine deux ans mais présentant déjà toute la ridicule arrogance des garçons. Au printemps, alors qu’Abu Talib s’y refusait encore, Ali s’était détourné des faux dieux de Mekka. Il venait désormais chaque jour prier près de son cousin Muhammad. À la surprise de Fatima, ce bel Ali, bien trop précieux, soucieux de la beauté de ses toges et de l’effet qu’il produisait sur les filles, avait réclamé l’aide de Zayd afin d’apprendre à lire et à écrire sur les rouleaux de Waraqà. Il déployait tant de respect et d’attentions à l’égard de son cousin Muhammad que l’on eût cru qu’il s’adressait à son père. Hélas ! pour manier un bâton, tendre un arc ou refermer ses doigts sur la poignée d’une nimcha , il ne fallait pas compter sur lui. Il serait incapable d’affronter un ennemi au combat.
    Quant aux femmes, à part quelques servantes au
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