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Fatima

Fatima

Titel: Fatima
Autoren: Marek Halter
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Muhammad qui répondait avec calme :
    — Salut à toi, puissant des Abd Sham. Qu’Allah mon Seigneur te veuille du bien. Mais tu te trompes. Je ne connais rien à la poésie.
    — Oh, oh ! Tu ne connais rien à la poésie ? Pourtant tu parles, tu parles, tu parles du matin au soir, ô toi, ibn ‘Abdallâh ! Tu noies Mekka sous tes mots ! Tu viens ici devant notre sainte Ka’bâ et tu saoules les bons pèlerins d’Hobal et d’Al’lat… Tu dis que tu ne connais rien à la poésie ? Même à la très mauvaise ? Alors, si tu n’es pas poète, qui es-tu, ô ibn ‘Abdallâh ?
    Alors qu’elle s’agrippait aux feuilles coupantes du palmier, Fatima entendit les rires qui saluaient les railleries d’Otba ibn Rabt’â. Elle assura ses pieds sur de larges rognures fraîches et put enfin voir son père croiser les bras sur sa poitrine. Il prenait son temps pour répondre. Mais quand il le fit, sa voix fut si basse et si paisible qu’elle dut tendre l’oreille.
    — Ce que je suis, Otba ibn Rabt’â, tu vivras assez avant de rendre compte de ta vie devant Allah pour l’apprendre. Rappelle-toi que je suis celui qui a redressé la Pierre Noire de notre Ka’bâ quand toi et les tiens la laissaient s’écrouler. Rappelle-toi que ces murs, que tu franchis tous les matins, et cette source Zamzam, à laquelle tu t’abreuves tous les jours comme si elle t’appartenait, tes fils et petits-fils, tes beaux-fils, ta maisonnée et toutes tes filles, vous les avez abandonnés comme une ruine du désert quand la peur vous piquait le ventre. La peur de la punition du Seigneur. Et tu voudrais que je parle comme ces poètes que tu paies pour qu’ils te content les mensonges des djinns et des démons ? Détrompe-toi. Non, ma parole n’est pas celle d’un poète. Mes mots sont aussi purs que la source Zamzam. Ils ne viennent pas de moi mais de mon Rabb Clément et Miséricordieux, l’Unique. Quant à tes propres paroles, Otba ibn Rabt’â, tout puissant que tu t’imagines, si tu n’y prends pas garde, elles pourriront dans ta bouche.
    — Aiiiie ! Aiiiie ! Qu’est-ce que je disais ?
    Le cri éraillé et provocateur d’Otba ibn Rabt’â brisa le silence étrange et peut-être craintif qu’avaient fait naître les paroles de Muhammad le Messager.
    — Aiiie ! Aiiie ! On lui donne l’occasion de placer un mot, au veuf de la bint Khowaylid, et il vous en lance mille au visage !
    À nouveau des lazzis se firent entendre au milieu des grognements d’approbation.
    Le vieux beau-père d’Abu Sofyan n’était pas de ceux que les combats de mots impressionnaient. Depuis longtemps il savait gouverner l’humeur et l’émotion des hommes massés en foule. Il ne laissa ni le doute ni le calme s’installer. Il fit un signe en direction de deux hommes postés derrière lui. Ils s’approchèrent. L’un était vieux. Il se déplaçait avec une canne et des précautions qui rappelèrent Waraqà à Fatima. L’autre n’avait guère plus d’une vingtaine d’années. Il était vêtu étrangement de deux capes superposées, toutes deux très rapiécées. Un chiffon de laine retenait sa chevelure hirsute, dont des mèches tombaient sur le côté telle une toison de brebis. Ses yeux immenses reflétaient les flammes des torches. Ses lèvres épaisses paraissaient presque noires entre les poils épars de sa barbe et se tordaient en d’incessantes grimaces.
    Otba ibn Rabt’â présenta les deux hommes comme de véritables poètes. De ceux que l’on écoutait sans jamais se lasser et dont les paroles étaient à la fois un enchantement pour l’esprit et un flot de vérités puisées auprès du dieu Hobal, des déesses Al Ozzâ et Al’lat. Ou même auprès des démons et des djinns, dans ce monde ténébreux et invisible que les hommes ordinaires, puissants ou non, préféraient éviter.
    — Pour cela, lança Otba ibn Rabt’â en posant la main sur l’épaule du plus âgé, il faut autant de courage et de savoir qu’un guerrier dans une razzia. Oui, Abu ‘Afak est de ceux qui possèdent ce courage. Dans sa cité de Yatrib, renommée pour sa connaissance des chants anciens, nul ne sait mieux que lui manier les mots de la poésie. C’est pourquoi je lui ai demandé de venir t’écouter, ô ibn ‘Abdallâh, et de nous dire ce que valent tes paroles. Et lui…
    Otba ibn Rabt’â marqua une pause, le temps d’un souffle, avant de désigner le jeune poète sans même le frôler.
    — … lui, c’est
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