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Fatima

Fatima

Titel: Fatima
Autoren: Marek Halter
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qu’Ali va bien ! Ils disent qu’il s’est comporté en héros !
    La tante Kawla la première reprit ses esprits :
    — L’enfant a survécu. La mère a survécu. Et si vous continuez, vous allez les rendre fous avec vos cris et vos larmes ! gronda-t-elle. La victoire d’Allah et de son nâbi ne va pas s’envoler ! Alors laissez la mère et le fils respirer !
     
    Durant les jours qui suivirent, le chaos régna sur les maisons des Soumis d’Allah. Alors que les hommes restés à Yatrib quittaient l’oasis pour aller à la rencontre des vainqueurs, les femmes se livraient à leurs tâches du mieux qu’elles pouvaient, quoique s’interrompant sans cesse pour colporter de nouvelles rumeurs.
    Certaines racontaient que ceux de Mekka avaient été deux mille. Mais ni le nombre des guerriers et de leurs chevaux, ni la qualité de leurs armes ne les avaient aidés. L’Envoyé avait appelé son Rabb à l’aide. Et Dieu lui avait envoyé Ses anges.
    D’autres croyaient savoir que Muhammad avait tranché la gorge des puissants de Mekka qui étaient depuis si longtemps ses ennemis. Désormais, la ruine attendait les arrogants païens.
    Et l’on espérait que, bientôt, les familles des réfugiés pourraient être enfin réunies.
    D’autres encore, roulant des yeux et claquant la langue, chuchotaient que les guerriers d’Allah n’étaient pas pressés de rentrer. Quantité de femmes, épouses et esclaves, accompagnaient la caravane des Mekkois, assuraient-elles. Et qui pouvait douter que les vainqueurs prendraient tout le temps d’en user avant de rejoindre Yatrib ? Ce sujet aigrissait les conversations et engendrait bien des humeurs acides.
    Ces bavardages sans fin atteignirent Fatima jusque dans sa cour, tandis qu’elle soignait son fils en subissant les mille et un conseils de la mère d’Ali :
    — Ne t’inquiète pas quand il pleure, c’est qu’il a faim, disait-elle, se retenant à grand-peine de prendre le bébé dans ses bras. Laisse-le un peu brailler. Cela lui fera la voix. Surveille son front et crains la fièvre. Ce qui sort de son ventre aussi. C’est par là qu’on apprend si la maladie guette. Ne le laisse pas téter dès qu’il lui en prend l’envie, tu en ferais un capricieux. Ne l’oblige pas non plus quand il ne veut pas, tu lui casserais la volonté. L’art d’élever les enfants, c’est cela : permettre et refuser. Regarde Ali. N’ai-je pas réussi ?
    La question du nom de l’enfant revenait sans cesse. Aux sempiternelles interrogations des femmes, Fatima répondait :
    — Est-ce à moi de choisir ? Mon père et Ali sont ceux qui décideront. Et ne soyez pas de mauvais augure. Allah connaît mon fils et l’aide à vivre ses premiers jours.
    C’était vrai. La tradition voulait qu’afin de ne pas attirer la maladie et la mort, on ne nomme pas un enfant trop vite. Tout de même, la grand-mère ne pouvait s’empêcher, du matin au soir, de donner mille noms à son petit-fils. Le bébé supportait cet acharnement, ses grands yeux noirs, sévères et très semblables à ceux de sa mère, fixés sur la vieille femme.
    Le quatrième jour, Fatima, excédée, ordonna à Kawla d’interdire l’entrée de sa chambre à toutes.
    — Elles verront mon fils à la prière du soir. Cela suffira.
    Sidérée autant qu’offensée, la mère d’Ali protesta :
    — Tu ne parles pas de moi !
    — De toi comme des autres, mère.
    — J’habite ici. C’est la décision de mon fils.
    — Alors habite ici en silence jusqu’au retour de mon époux. Ensuite, Allah décidera, répliqua sèchement Fatima.

Le retour des vainqueurs
    Le lendemain, un peu après la prière du zénith, Fatima entendit les enfants hurler la nouvelle dans l’oasis : les guerriers d’Allah et de son Prophète approchaient de Yatrib !
    Elle se précipita sur sa terrasse. Mais, dans l’air brûlant, elle ne vit de la longue colonne victorieuse qu’un immense nuage de poussière qui se levait comme un rêve au-dessus des palmiers.
    Elle redescendit dans sa cour, se précipita pour enfiler la plus belle de ses tuniques et prendre son fils dans le couffin où il dormait. Sans se soucier de ses cris de protestation, elle le serra sur sa poitrine à l’aide d’un long voile noué autour de son cou. L’instant suivant, elle talonnait les flancs de sa mule au milieu de ceux qui, comme elle, couraient à la rencontre des héros.
    Elle les rejoignit alors qu’ils étaient à l’orée de l’oasis.
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