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Ève

Ève

Titel: Ève
Autoren: Marek Halter
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pas ce jardin de l'Éden. À quoi bon être vivant à l'égal d'une souris ou d'un scarabée ? Et le savoir sans rien pouvoir y changer ?
    — N'aurais-tu pas pu demander une autre vie à Élohim ? interrogea Hannuku.
    Le rire d'Ève vacilla entre amertume et dérision.
    — Dans l'Éden, toutes les vies se valaient. Toutes. Et tu connais mal YHVH, fille.
    Le regard d'Ève s'aiguisa. L'ironie étira ses lèvres. Elle fixa les visages devant elle qui buvaient ses paroles.
    — Pourquoi croyez-vous que YHVH avait placé cet arbre de la connaissance du bon et du mauvais au cœur de notre jardin ? Pourquoi placer un arbre aussi imparfait dans ce jardin si parfait ? À quoi cela pouvait-il Lui être utile ?
    Yohanan approuva de la tête.
    — Pour cela tu as raison. Ça ne se comprend pas.
    — N'est-ce pas ? fit Ève avec un rictus féroce. Ça ne se comprend pas. Pour le comprendre, il faut y songer longtemps, endurer beaucoup. Et admettre que YHVH n'est pas toujours bon. Qu'Il est jaloux. Que le bien-être d'Adam en son jardin de l'Éden ne Lui plaisait guère. Peut-être craignait-Il qu'Adam, si parfait, ne se prenne pour Lui ? Ou devons-nous croire que YHVH nous a créés pour jouer avec nous ?
    — Ève, non ! Tu ne peux pas ! s'écria An-Kahana. Tu blasphèmes ! YHVH-Élohim t'a interdit le fruit et tu Lui as désobéi.
    — Alors, pourquoi m'avoir laissée désobéir en ce jardin parfait ? Pourquoi avoir laissé Adam endormi et ignorant à mon côté, Lui qui pouvait tout ?
     
    La réplique avait claqué. An-Kahana resta pantelant, la bouche ouverte, les larmes coulant sur ses joues.
    — Assieds-toi, garçon, lui ordonna doucement Ève.
    Elle laissa passer un moment avant de reprendre, sur un ton solennel qu'on ne lui connaissait pas :
    — Ô gens du pays de Nôd, vous d'Hénoch qui avez tant souffert par la faute de Caïn et qui avez accompagné Nahamma jusqu'ici, Ève vous doit toute la vérité. La faute du fils est aussi celle de la mère. Et aussi celle de YHVH lui-même. Cela se pourrait.
     

17
    — La parole de YHVH, qui ne la connaît pas ? poursuivit Ève. Il nous dit : « La mort est avec vous désormais. » Mais il me dit aussi : « Ève la Vivante, c'est ton nom, celui de la Mère de tous les vivants. »
    « La violence de YHVH, qui l'ignore ? Il me dit : “Je multiplierai la douleur de tes enfantements, de la douleur viendront tes fils et tes filles, et le désir t'attachera à ton homme comme à un maître.” Et ici, hors du jardin, j'ai connu la douleur de l'enfantement. Caïn est venu. Abel est venu. Awan est venue. Et la douleur a empiré, elle a fait naître la mort dans mon ventre. Seth est venu ensuite, mais bien plus tard.
    « Ainsi, Awan n'a pas eu de sœur. Ainsi je suis là, vivante devant vous. YHVH ne m'a pas tuée, il m'a fait enfanter la mort. La punition outrepasse tout ce que l'humain peut concevoir.
    « Voilà ce qui est arrivé. Caïn, Abel, Awan sont devenus hommes et femme. Abel était beau et doux. Awan est allée vers lui. Caïn en a été furieux. YHVH le savait. Pourtant Il ne l'a pas apaisé. Il a dit à Abel : “Dépose une offrande sur mon autel.” Le bienheureux Abel a offert ce qu'il avait de mieux et a couru baiser les cuisses d'Awan dès que YHVH a montré Sa satisfaction.
    « Ensuite YHVH a dit : “Caïn, à ton tour de porter l'offrande sur mon autel.” Caïn était broyé par la jalousie. Il éprouvait autant d'attirance pour Awan que son frère. Mais il n'existait pas d'autre femme. Comment assouvir son désir ? La tendresse qu'il devinait entre Abel et Awan lui gâtait le sang. N'osant refuser l'offrande à YHVH, il a déposé sur l'autel ce qu'il avait trouvé de moins bien. YHVH l'a sermonné. Caïn a répondu : “Que m'importe ton sermon ? Le mal, Tu me le fais assez sentir !”
    « Le bonheur d'Abel est devenu insupportable à Caïn. Il voulait voir le sang de son frère dans la poussière. Il voulait baiser les cuisses d'Awan à sa place. C'est ce qu'il a fait.
    « Et Awan ? Elle a pleuré Abel, mais YHVH n'avait-Il pas dit : “Le désir t'attachera à ton homme comme à un maître” ? Caïn est devenu son maître. Elle l'a suivi dans le pays de Nôd et, chaque fois qu'il l'approchait et que son odeur l'appelait, son cœur palpitait.
    « C'est ainsi qu'elle vous a enfantés.
    « Et moi, Ève la Vivante, j'ai enfanté un meurtrier. Qui me le pardonnera ? Qui pardonnera
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