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Ève

Ève

Titel: Ève
Autoren: Marek Halter
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ses mots. Sa poitrine gonfla toute sa tunique quand elle s'inclina vers ceux d'Hénoch. Fascinés, ils ne purent se retenir de se pencher eux aussi vers elle.
    Puis, presque en chuchotant, elle reprit :
    — J'ai entendu une voix qui m'appelait : « Femme ! Femme du jardin ! »
     
    Ève sursauta et se jeta en arrière comme si cette voix l'appelait à l'instant même.
    Hannuku poussa un cri de stupeur. Incrédules, mais tout de même un peu pâles, les autres semblaient prêts à s'éclipser.
     
    — Oh, l'horreur ! lança Ève d'une voix redevenue normale. Oh, l'horreur ! Y avait-il un autre Vivant dans le jardin ? YHVH nous l'avait-Il caché ?
    « Je me suis levée. Adam dormait toujours comme une souche.
    « La voix dit encore : “Femme de l'Éden ! Je suis ici. Approche !”
    « Je l'ai vu. Il n'était pas loin. Adam et moi n'avions pas remarqué que nous étions juste à la limite du jardin. Lui se tenait de l'autre côté. Son corps était petit, sa poitrine et ses membres velus autant que ceux d'une bête. Dans son large visage, ses yeux brillaient de ruse. Je me tenais à dix ou quinze pas de lui, mais son odeur m'arrivait, répugnante, fétide.
    « J'ai songé : jamais je n'approcherai un vivant si puant.
    « Et lui aussitôt m'a dit : “Approche ou n'approche pas, cela n'a pas d'importance, la limite du jardin est entre nous. Mais si laid que tu me voies, je suis assez bien fait pour avoir entendu tes pensées.”
    « “Qui es-tu ?” ai-je demandé.
    « “L'un de ceux que ton maître appelle les bêtes du désert.”
    « “Bêtes du désert ? Mais tu parles comme nous, les vivants de YHVH !”
    « Il a eu un petit ricanement aigu :
    « “Bêtes du désert nous sommes, mais aussi des vivants, tout comme toi.”
    « “Vous êtes nombreux ?”
    « “Oh, oui ! Des centaines et des centaines...”
    « “Et vous êtes là depuis longtemps ?”
    « Devant moi, la bête s'est mise à sautiller tant la question lui paraissait ridicule.
    « “Oh oui ! a-t-elle ricané. Depuis bien plus longtemps que toi et ce jardin.”
    « “Comment se fait-il que je ne vous aie jamais vus auparavant ?”
    « L'être étrange eut à nouveau son rire strident.
    « “Question simple, réponse simple : Tu ne t'es jamais intéressée à ce qu'il se passait en dehors de ton jardin.”
     
    Ève se tut et s'inclina, comme si elle hésitait à poursuivre. Hannuku demanda :
    — Et ensuite ?
    Eve les observa un à un avant de déclarer, avec une gravité qui alourdissait sa voix :
    — Ce que je vous raconte, Adam, mon Adam, ne l'a jamais entendu. Sur ce moment et cette rencontre dans notre jardin de l'Éden, jamais il ne m'a questionnée. Peut-être, tout au contraire de vous, ne veut-il pas savoir ?
    D'un ton las, elle reprit :
     
    — Ensuite, j'ai demandé à cette bête puante qui trépignait de l'autre côté de la limite de notre jardin de l'Éden : “Connais-tu YHVH ?”
    « Aussitôt elle m'a rétorqué, ricanante et pleine d'arrogance :
    « “Et toi ? Toi, sais-tu seulement s'il existe, ton YHVH ? On ne l'entend pas, on ne le voit jamais. Chez nous, les Puissants ne se cachent pas. Ils ont soif et faim, tout comme nous. Et ils ne passent pas leur temps à interdire. Ils se réjouissent de notre plaisir. Quand on leur apporte des offrandes, ils nous disent : ‘Va, va, fais ce qu'il te plaît ! À quoi bon se priver ?'”
    « Il a pointé son doigt démesuré en direction de l'arbre de la connaissance du bon et du mauvais :
    « “Cet arbre-là, s'il se trouvait chez nous, j'aurais goûté de son fruit depuis longtemps déjà. Oh, oh ! ne fais pas cette tête dégoûtée, femme ! Ce que je dis, c'est pour ton bien, parce que tu es belle comme aucune de nos femelles de par ici, il faut en convenir. Bien dommage ! Oui, ça me plairait beaucoup, de goûter de ton arbre, et ça me plairait encore plus de te goûter, toi. Et moi, je ne m'endormirai pas après, comme ton Adam. Tu peux en être certaine. Ton YHVH est dur ! Vous enfermer dans ce jardin où tout est toujours pareil, quel ennui ! Tant pis pour moi, tant pis pour toi. Mange ou ne mange pas, c'est toi qui décides.”
    « J'ai reculé de quelques pas :
    « “Tu n'as donc de respect pour rien ! YHVH a interdit qu'on touche à l'arbre.”
    « “Oh, je sais, je sais ! Mais réfléchis, femme. Pourquoi te l'interdit-il, ton YHVH ?
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