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En Route

Titel: En Route
Autoren: Joris-Karl Huysmans
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se peut, l'âme du mufle moderne, du mufle mort !
    A l'heure actuelle, conclut Durtal, il ne reste de propre à Paris que les cérémonies presque similaires des prises d'habit et des enterrements. Le malheur, c'est que, lorsqu'il s'agit d'un somptueux cadavre, les pompes funèbres sévissent.
    Elles sortent alors un mobilier à faire frémir, des statues argentées de Vierges d'un goût atroce, des cuvettes de zinc dans lesquelles flambent des bols de punch vert, des candélabres en fer-blanc, supportant au bout d'une tige qui ressemble à un canon dressé, la gueule en l'air, des araignées renversées sur le dos et dont les pattes emmanchées de bougies brûlent, toute une quincaillerie funéraire du temps du premier Empire, frappée en relief de patères, de feuilles d'acanthe, de sabliers ailés, de losanges et de grecques ! - Le malheur aussi, c'est que, pour rehausser le misérable apparat de ces fêtes, l'on joue du Massenet et du Dubois, du Benjamin Godard et du Widor, ou pis encore, du bastringue de sacristie, de la mystique de beuglant, comme les femmes affiliées aux confréries du mois de mai en chantent !
    Et puis, hélas ! L'on n'entend plus les tempêtes des grandes orgues et les majestés douloureuses du plain-chant, qu'aux convois des détenteurs ; pour les pauvres, rien-ni maîtrise, ni orgue-quelques poignées d'oraisons ; trois coups de pinceau trempé dans un bénitier et c'est un mort de plus sur lequel il pleut et qu'on enlève ! L'Eglise sait pourtant que la charogne du riche purule autant que celle du pauvre et que son âme pue davantage encore ; mais elle brocante les indulgences et bazarde les messes ; elle est, elle aussi, ravagée par l'appât du lucre !
    Il ne faut pas cependant que je pense trop de mal des crevés opulents, fit Durtal, après un silence de réflexions ; car enfin, c'est grâce à eux que je puis écouter l'admirable liturgie des funérailles ; ces gens qui n'ont peut-être fait aucun bien, pendant leur vie, font, au moins, sans le savoir, cette charité, à quelques-uns, après leur mort.
    Un brouhaha le ramena à Saint-Sulpice ; la maîtrise partait ; l'église allait se clore. J'aurais bien dû tâcher de prier, se dit-il ; cela eût mieux valu que de rêvasser dans le vide ainsi sur une chaise ; mais prier ? Je n'en ai pas le désir ; je suis hanté par le catholicisme, grisé par son atmosphère d'encens et de cire, je rôde autour de lui, touché jusqu'aux larmes par ses prières, pressuré jusqu'aux moelles par ses psalmodies et par ses chants. Je suis bien dégoûté de ma vie, bien las de moi, mais de là à mener une autre existence il y a loin ! Et puis… et puis… si je suis perturbé dans les chapelles, je redeviens inému et sec dès que j'en sors. Au fond, se dit-il, en se levant et en suivant les quelques personnes qui se dirigeaient, rabattues par le suisse vers une porte, au fond, j'ai le coeur racorni et fumé par les noces, je ne suis bon à rien.
    q

Chapitre 2
    C omment était-il redevenu catholique, comment en était-il arrivé là ?
    Et Durtal se répondait : je l'ignore, tout ce que je sais, c'est qu'après avoir été pendant des années incrédule, soudain je crois.
    Voyons, se disait-il, tâchons cependant de raisonner si tant est que, dans l'obscurité d'un tel sujet, le bon sens subsiste.
    En somme, ma surprise tient à des idées préconçues sur les conversions. J'ai entendu parler du bouleversement subit et violent de l'âme, du coup de foudre, ou bien de la foi faisant à la fin explosion dans un terrain lentement et savamment miné. Il est bien évident que les conversions peuvent s'effectuer suivant l'un ou l'autre de ces deux modes, car Dieu agit comme bon lui semble, mais il doit y avoir aussi un troisième moyen qui est sans doute le plus ordinaire, celui dont le Sauveur s'est servi pour moi. Et celui-là consiste en je ne sais quoi ; c'est quelque chose d'analogue à la digestion d'un estomac qui travaille, sans qu'on le sente. Il n'y a pas eu de chemin de Damas, pas d'événements qui déterminent une crise ; il n'est rien survenu et l'on se réveille un beau matin, et sans que l'on sache ni comment, ni pourquoi, c'est fait.
    Oui, mais cette manoeuvre ressemble fort, en somme, à celle de cette mine qui n'éclate qu'après avoir été profondément creusée. Eh ! Non, car, dans ce cas, les opérations sont sensibles ; les objections qui embarrassaient la route sont résolues ; j'aurais pu raisonner,
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