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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames
Autoren: Chantal Touzet
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n’en connais pas d’autres, madame.
    Elle parut contrariée.
    — Vous ne ressemblez guère à l’image du
tympan au portail de la Pierre-au-Lait que je viens de voir !
    — N’est-il pas admirable ? jubila
Nicolas. Je l’ai fait réaliser voilà une année, au bénéfice de l’église de Saint-Jacques-de-la-Boucherie.
Il me représente avec ma dame Pernelle, de part et d’autre de la Vierge. Mon
épouse y figure honnêtement, mais je reconnais y être fort enjolivé. Sans doute
ma barbe me change et me vieillit.
    Il eut un bref éclat de rire, bouche ouverte, révélant
le vide d’un trou noir. Isabelle ne put réprimer une grimace de dégoût qui n’échappa
pas à Nicolas.
    — Un arracheur de dents du parvis de
Notre-Dame m’a récemment soulagé de tous mes chicots qui m’empoisonnaient le
sang et me faisaient l’haleine fétide. Il m’a laissé brèche-dent, les gencives
nues comme nouveau-né. Ma nouvelle pilosité en masque un peu le désagrément, ajouta-t-il
en se passant la main sur le bas du visage.
    Ses prunelles pétillèrent de malice. La reine, désemparée,
se tourna vers Bois-Bourdon qui n’exprimait qu’une parfaite impassibilité. Ce n’était
pas le copiste que la reine cherchait céans, mais l’alchimiste. Les misères
physiques de Nicolas Flamel et la modestie de son logement infirmaient qu’il
fût le détenteur du grand Œuvre qui donne fortune et jeunesse. Il était
communément concédé aux alchimistes les pouvoirs les plus fous. La possession
de la Pierre philosophale, outre la fabrication de l’or, donnait également
accès à la « Médecine de l’Ordre supérieur », sa liquéfaction en
faisait « l’Élixir parfait », un élixir de jouvence qui donnait santé
et vie éternelle par ses vertus régénératrices.
    L’écrivain public était chenu, édenté, son logis
confinait à la pauvreté. Mais les apparences sont souvent trompeuses, et l’homme
était intelligent.
    Agacée, Isabelle lança son premier trait.
    — Un arracheur de dents public ? Une
personne de votre qualité n’a-t-elle point attaché à son service le meilleur
chirurgien ?
    — Mon épouse Pernelle et moi n’en aurions
guère besoin. Nous ne sommes jamais malades.
    — Jamais malades, dites-vous ? releva-t-elle
aussitôt. Avez-vous quelques panacées qui vous en préservent ?
    — Une vie simple et frugale, et la grâce de
Dieu nous ont tenus en bonne santé jusqu’à ce jour d’hui, répondit le maître
avec onction.
    — Tempérance et dévotion, voilà grande
sagesse. Mais cela suffit-il ? Je vous crois plus savant que vous ne
voulez le paraître, répondit Isabelle sans désarmer.
    — J’ai, certes, bonne réputation de mon art, madame,
se déroba encore Flamel.
    — Et quel est donc cet art qui vous rend si
fameux ?
    — Maître copiste, n’est-ce pas ce que vous
cherchez ? Mais aussi relieur-enlumineur, comme chacun sait.
    — L’on vous dit pourtant fort riche, la
sculpture du porche de l’église Saint-Jacques en atteste.
    — J’ai bon commerce, il en est peu pour
savoir lire et écrire, et j’ai grande besogne. Ajoutez quelques commandes d’ouvrages
précieux dont on m’honore, et il m’en reste assez pour faire des aumônes et
dons à l’Église pour le salut de mon âme et celle de dame Pernelle.
    « Il connaît l’artifice de l’esquive », observa
Bourdon, qui soupçonnait Nicolas Flamel d’avoir percé les véritables raisons de
la présence d’Isabelle et de jouer avec elle au chat et à la souris. Un homme
de sa réputation devait avoir de fréquentes visites de cette nature, la vox
populi lui attribuait une opulence inépuisable qui devait fasciner et
attirer les solliciteurs, prêts à vendre leur âme au Diable pour un peu d’or.
    La reine, en dépit de son apparente insouciance, craignait
l’avenir, et avec justes raisons. Depuis l’éviction de ses oncles,
Charles VI se conduisait comme un étalon sauvage à qui l’on a lâché la
bride. Il jetait l’argent à pleines mains, dans un tourbillon de fêtes. Les
plus folles gardaient le nom des « Fêtes de Saint-Denis », où s’étaient
vus, de longs jours durant, les pires excès et débauches indignes du saint lieu.
Charles VI s’y était exténué comme il avait épuisé le Trésor royal. Et
pour financer l’apparat de son actuel voyage dans le sud du royaume, il avait
multiplié les emprunts, malgré les conseils avisés des Marmousets [5] .
Oui, Isabelle
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