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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames
Autoren: Chantal Touzet
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agenouillés aux pieds de la Vierge en
majesté, qui tenait dans son bras droit l’Enfant Jésus et, dans sa main gauche,
une grappe de raisin. Le couple était sous la protection de saint Jacques et de
saint Jean-Baptiste ; en voussure, une farandole d’anges musiciens. Le
tout était peint de couleurs délicates rehaussées de filets d’or. L’ouvrage
était récent, d’une grande fraîcheur.
    — Voilà ce à quoi il ressemble, murmura Isabelle
en fixant l’homme à genoux, celui que l’on dit alchimiste.
    Bois-Bourdon la saisit par le coude et l’entraîna,
Paris s’éveillait.
    Les coqs s’ébrouaient et chantaient l’aube, se
répondant des quatre coins de Paris, les bestiaux rassemblés la veille dans les
ventres de la Grande Boucherie s’agitaient et meuglaient, sentant le sang dont
ce quartier était gorgé, pressentant leur mort imminente avec le lever du jour.
    Au loin, près de l’intersection de la rue des Arcy,
les deux corps, victimes de l’échauffourée, gisaient sur le pavé comme des
paquets de chiffes oubliées. Le guet les ramasserait, comme ils ramassaient, chaque
matin, et péchaient en rivière de Seine les assassinés de la nuit, les suicidés,
les enfançons morts de froid, abandonnés au parvis d’une église ou sur un tas
de fumier. Ils seraient jetés dans une charrette et conduits au charnier de l’Hôtel-Dieu.
    La rue des Écrivains était encore déserte de
chalands, les vantaux relevés. Faisant face, à l’angle de la rue de Marivaux, seul
un étal à l’enseigne de la Fleur de lys était abaissé, l’huis ouvert, comme si
on les attendait.
    Ils traversèrent la rue.
     
    Les yeux pétillants dans le visage mafflu les
accueillirent, dans la pénombre d’un atelier de calligraphes et d’enlumineurs.
    — Que la protection divine soit sur vous en
ce jour nouveau, salua le vieil homme avec affabilité.
    — Et de même qu’il vous protège, répondit
Isabelle. Sieur et dame Graville, bourgeois de notre état, ajouta-t-elle, se
présentant avec son compagnon.
    Bois-Bourdon se contenta d’incliner la tête. Leur
hôte lui rendit son salut, accrochant brièvement son attention à l’homme
cuirassé de heuses [2] ,
à la chevelure aile de corbeau. Il se dégageait de lui la force d’un félin sur
le qui-vive, et l’intensité de son regard exprimait une vigilance de tous les
instants.
    — Pouvez-vous nous mener à votre maître s’il
est ici céans ? demanda la princesse de Bavière.
    — Je n’ai que Dieu pour maître, et pour vous
conduire à Lui je ne saurais que vous recommander la prière, répondit leur hôte
qui semblait fort s’amuser.
    Cette réponse laissa Isabelle déconcertée. Ce qui
irrita le sire de Graville.
    — Êtes-vous maître Nicolas Flamel ? lui
lança-t-il tout de go.
    — Celui-là même, pour vous servir. Mais ne
restez pas dans cette entrée où souffle le froid de la mort, dit-il en les
entraînant à travers l’atelier aux multiples tâches abandonnées à la sonnerie
du couvre-feu.
    Il souleva une épaisse tenture et les introduisit
dans une pièce où il faisait chaud. Le mobilier en était rudimentaire, une
longue table flanquée de bancs et d’une cathèdre en composait l’essentiel. Contre
un mur, un dressoir ne contenait que pots et assiettes en terre cuite. Dans une
grande cheminée pétillait un feu vif qu’attisait une servante boudinée dans une
robe de bure et un surplis bleu. Elle maniait le soufflet avec force, et ne
prit pas la peine d’accorder un instant de son attention aux visiteurs. L’âtre
était encombré de chaudrons, d’écuelles et autres instruments de cuisine. Un
renfoncement sombre servait de cellier, et un étroit escalier à vis desservait
les étages supérieurs.
    Flamel invita sa visiteuse à prendre place dans la
cathèdre, le siège du maître de la mesnie [3] au haut
bout de la table. Bois-Bourdon s’assit à l’écart sur un escabeau, une de ses
longues jambes repliée sur la plus haute marche.
    — Que me vaut visite si matinale dans l’humble
demeure de votre serviteur ? s’enquit Nicolas.
    — J’ai en tête un livre d’heures [4] que mon époux songe à m’offrir, répondit négligemment la reine, distraite par l’examen
des lieux qui semblaient la surprendre. L’on m’a recommandé pour cet ouvrage
maître Flamel, reprit Isabelle qui fixait à présent son hôte d’un air incrédule.
Pardonnez-moi, mais êtes-vous assurément celui que je demande ?
    — Je
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