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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames
Autoren: Chantal Touzet
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prenait part à ces réjouissances ininterrompues, et qu’il en
paraissait parfois égaré. À plusieurs reprises, elle avait été témoin de ces
sortes de brèves divagations. Charles parlait soudain de façon incohérente, ou
se mettait à courir en tous sens, sans raison, comme un enfant désorienté.
    — Chaud le gruau, qui en veut ? lança en
entrant Marguerite la Questel, la plantureuse servante des Flamel.
    Cela en était trop pour la reine, qui prit congé.

2
La course de dupes
    « Lors du remariage du vieux duc Jean de Bercy
en 1389 avec Jeanne de Boulogne, fillette de douze ans, »
    Jeunes filles aux tétins ronds,
    Que l’on marie à vieux grisons  
    Qui n’ont ni force ni puissance,
    Si la dame, par sa plaisance,
    A choisi quelque vert-galant
    Pour lui friponner son devant,
    Cela ne faut être étonné
    Tout cela lui est pardonné.
    Discours des Friponniers et Friponnières ,
    Jehannot de Lescurel, XIV
    Parmi la dizaine de demeures éparpillées dans le
vaste enclos de la résidence royale, sise aux marais de Saint-Paul, la
princesse de Bavière avait adopté un ravissant manoir à colombages
rehaussés de vives couleurs, flanqué de deux tourelles en poivrière. Après une
volée de marches en demi-cercle s’ouvrait un double portail de chêne armorié, surmonté
d’un fronton sculpté d’un couple d’amoureux, encadré de musiciens sur fond de
verdure. Cette maison avait pour nom l’hôtel de la Pissotte, en raison de la
grande fontaine, dite au Lion, qui ornait le centre de la cour de façade. L’animal,
crinière hérissée, bouche ouverte et crocs menaçants, était entouré de
chérubins nus qui pissotaient une eau cristalline et babillante dans un bassin
à coquille.
    L’hôtel de la reine faisait partie d’une immense
étendue ceinte de hautes et solides murailles. Les logis étaient reliés par des
préaux au rez-terre, et, aux étages, par douze galeries qui permettaient d’aller
à couvert de l’un à l’autre, et d’accéder aux chapelles. Des jardins
foisonnants donnaient à cet ensemble composite les charmes de la campagne. Feu Charles V
l’avait nommé l’Hôtel solennel des Grands Ébattements, tant il disait trouver
audit hôtel amour, plaisance et singulière affection.
    Isabelle se sentait abattue en montant l’escalier
qui menait à son privé du troisième étage. Cette vaine sortie n’avait fait que
l’humilier et fâcher Bois-Bourdon. Il avait raison, Nicolas Flamel gardait bien
son secret.
    — Tu cherches une clef qui n’ouvre aucune
porte, Basileia.
    Zizka ! une voix qui la hantait parfois, survenant
de nulle part, avec laquelle elle conversait. Elle était devenue familière à
Isabelle depuis son arrivée en France. D’instinct, elle avait caché au monde
cette illusion de ses sens.
    — Nicolas Flamel n’a pas démenti la rumeur
qui le tenait pour sorcier, et les alchimistes en sont de réputation, lui
répondit Isabelle, butée.
    — La rumeur est mère maquerelle qui prostitue
dame Vérité.
    — J’aurais pu l’attiser davantage sans cette
péronnelle qui nous a interrompus en jacassant sur les fastes du roi…
    Christine de Pisan ! La reine s’arrêta
net. Cette jeune femme semblait très intime avec les Flamel. Elle apportait à
maître Nicolas un manuscrit, ce qui n’était pas la première fois, car Dame Pernelle
lui avait dit en l’étreignant : « Ma belle poétesse, encore quelques
ballades à copier ? » Christine de Pisan écrivait donc, et
personne ne s’étonnerait qu’elle s’attachât une telle curiosité. Cette
gracieuse rimailleuse ferait merveille en sa cour d’amour où se comptait déjà
le poète Eustache Deschamps ; et cette jeune femme était très… bavarde.
    Ce fut d’un pas revigoré qu’elle grimpa les
dernières marches. Arrivée dans le corridor de ses appartements, un homme jeune,
dépenaillé, crotté, et qui puait le cheval, se jeta à sa rencontre et s’agenouilla
devant elle.
    — Ma reine, ma reine bien-aimée, déclama son
beau-frère Louis d’Orléans, je dépose mon triomphe à vos pieds. Le roi est
défait !
    Le cœur d’Isabelle cessa de battre.
    *
    Le roi est défait ! Qui peut défaire un roi, hors
la mort ? Et qui pouvait en tirer un tel triomphe, sinon son frère, héritier
du trône, Louis d’Orléans ?
    Le choc fit reculer Isabelle contre le mur du
corridor où elle s’adossa. À demi consciente, elle se sentit glisser sur le sol,
souffle et jambes coupés. Il
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