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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
Autoren: Benoît Abtey
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d’Artagnan, est bien celle d’une artiste et d’une Romaine, Desdémone souhaite demeurer ici à Paris, mais romaine, pourtant, elle n’aura jamais cessé de l’être.”
    Et l’amer et l’amour…
    Le soir même, à la nuit tombée, je prends place face à Son Éminence débarrassé de sa pourpre, vêtu en gentilhomme.
    Je tiens les rames, le cardinal la lanterne, l’Italienne est couchée dans un cercueil de marbre, posé devant nous.
    Dans une autre barque, voguant à notre gauche, la fille de Son Éminence et le jeune Hercule nous accompagnent. Ils doivent être présents.
    Nous nous arrêtons enfin, jetant l’ancre, au milieu de la rivière.
    Son Éminence, en qualité de prêtre, va prononcer l’oraison funèbre, en italien, suivant une autre consigne de la disparue.
    Quant à Hercule, il nous fait venir les larmes aux yeux en déclamant ce poème de Pierre de Marbeuf que je ne saurais reprendre avec tant de justesse et de sensibilité, Et la mer et l’amour.
    Et la mer et l’amour ont l’amer pour partage
    Et la mer est amère, et l’amour est amer,
    L’on s’abîme en l’amour aussi bien qu’en la mer,
    Car la mer et l’amour ne sont point sans orage
     
    Celui qui craint les eaux, qu’il demeure au rivage,
    Celui qui craint les maux qu’on souffre pour aimer
    Qu’il ne se laisse pas à l’amour enflammer,
    Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.
     
    La mère de l’amour eut la mer pour berceau
    Le feu sort de l’amour, sa mère sort de l’eau,
    Mais l’eau contre ce feu ne peut fournir des armes
     
    Si l’eau pouvait éteindre un brasier amoureux
    Ton amour qui me brûle est si fort douloureux
    Que j’eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.
    Les derniers vers prononcés, il faut maintenant laisser la morte descendre dans son tombeau.
    Le cercueil de marbre glisse dans l’onde noire et profonde.
    Mais si cette cérémonie est achevée, le cardinal désire en préparer une autre.
    — Cette mort, dit-il, est une renaissance. Là où elle est, ici, au milieu de nous, dans l’air que l’on respire comme dans l’eau qui nous entoure, elle est heureuse de savoir que l’amour triomphe de tous les tourments. En vous voyant tous deux, Hercule, Marie, réunis dans la douleur, je vois aussi autre chose. Je vois quelque chose que vous ne voyez peut-être pas encore. Je vois deux âmes faites l’une pour l’autre. Je vois un mari et une femme. Je vois mes enfants, une famille, la paix dans les cœurs, la joie dans le ciel. Acceptez-vous ces fiançailles ?
     
    Instant des plus solennels, Majesté.
    C’est le silence. Le silence sur l’eau. Notre-Dame de Paris est devant nous, en robe de nuit. On ne peut choisir plus beau moment et plus sublime situation pour oser cette déclaration.
    C’est une évidence. Nous le voyons tous. Eh oui, Hercule et la belle Marie – c’est, nous le savons maintenant, son véritable prénom – ne sont pas poussés l’un vers l’autre par la main d’un entremetteur de chair et de sang, mais par l’influence d’une volonté supérieure. Avant que le cardinal leur eût adressé la parole, ils se tenaient déjà la main. Maintenant, ils se regardent, ils se comprennent, ils se sourient. On a devancé leurs vœux, anticipé leurs désirs, mais cela ils l’acceptent sans révolte. Oui, ils se contemplent en nous oubliant. Ils se découvrent par les yeux, avant de se dire oui par les lèvres.
    Un oui qui est un murmure, une confidence, presque un secret… un oui qui semble sortir d’une même bouche, car ces deux oui prononcés dans un parfait accord n’en font qu’un.
    D’outre-tombe
    À tout dire, cette foi dans l’amour, cette vision que le cardinal avait eue de ce couple prédestiné, foi qui l’avait poussé à apporter dans cette barque les bagues de fiançailles, n’était pas tout à fait le fruit d’une grâce venue d’en haut.
    Je sais qu’en cet instant, quelqu’un d’autre est heureux, satisfait.
    Don Juan de Tolède avait bien préparé les choses, au bon moment.
    J’étais présent lors de son dernier entretien, la veille, avec Son Éminence, dans ce carrosse où je le découvris sain et sauf, avant de vivre près de lui ses dernières heures.
    Oui, je suppose qu’Amadéor a profité de ma présence (je devenais un témoin et je pouvais rappeler le cardinal à sa parole), pour formuler sa demande.
    J’accepte , avait-il dit, de reprendre du service, à deux conditions … ce service il ne peut plus le
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