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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons
Autoren: Michel Folco
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fils arrivait à
terme et qu’elle pouvait être ou ne pas être renouvelée. Pour Beaulouis qui
n’employait d’autre guichetier que ses trois fils, le non-renouvellement
d’exemption était une catastrophe. Les bras en croix, il se jeta aux pieds de
l’officier.
    — Je vous en conjure, Monsieur
le Prévôt, ne me faites pas violence. Être le bourreau, même une seule fois,
serait me condamner au préjugé, moi, mais aussi ma descendance. Je sais trop
comment ça s’est passé pour Maître Pradel. Du jour où il a accepté l’office, il
a dû s’installer en dehors des remparts et il est tenu de porter un habit rouge
chaque fois qu’il sort de chez lui. Et s’il a marié récemment sa fille, c’est
parce que le marié est le fils du bourreau de Nîmes. Ne me forcez pas à un état
pareil, Monsieur le Prévôt, ayez pitié !
    Foulques se radoucit. Il pouvait lui
objecter que ces désavantages étaient largement compensés par toutes sortes de
dispenses et de privilèges qui avaient permis à l’ancien boucher de devenir en
moins d’une génération l’un des bourgeois les plus aisés de Rodez, mais il n’en
fit rien et prit congé. Soulagé, le Verrou humain se releva en massant ses
genoux qu’il s’était légèrement meurtris contre les pavés de la basse-cour.
     
    *
     
    Bâti au XIII e siècle, le
château de Bellerocaille se voyait de fort loin, perché sur son neck
volcanique, et offrait aux guetteurs dans les échauguettes une vue sans
obstacle sur plusieurs lieues de campagne. Les tours rondes étaient reliées
entre elles par des courtines sous lesquelles étaient aménagés le corps de
garde, les logis des domestiques, les écuries, le chenil, le domaine des
faucons, la forge et le four à pain, plus divers celliers répartis dans les
rez-de-chaussée.
    Rajoutée au XVI E siècle
et encastrée dans la muraille ouest, une haute tour flanquante servait de
prison.
    Le baron et les siens occupaient le
donjon central et les bâtiments formant la cour d’honneur. Haut de neuf toises,
le donjon se divisait en cinq salles superposées reliées par un étroit escalier
en spirale. Le baron Raoul et Dame Hérondine, son épouse, logeaient dans les
deux premières, la baronne Irène, mère du baron, dans la suivante, tandis que
la quatrième était réservée aux hôtes de passage et la cinquième à Guillaume,
l’aîné de douze ans. L’abbé François, quand il ne chevauchait pas entre ses
nombreux domaines, logeait au-dessus des écuries.
    Le donjon communiquait avec la
grande salle qu’on utilisait indifféremment comme salle à manger, salle de
réception, salle de bal ou salle du conseil. Ses hauts murs étaient ornés de
tapisseries à motifs mythologiques, de tableaux d’ancêtres et de scènes
rappelant certains épisodes particulièrement glorieux, de trophées de chasse,
de panoplies d’armes blanches démodées, d’écus bariolés dont certains, fort
anciens, étaient cabossés d’avoir beaucoup servi. Il est vrai que la réputation
de bellicisme des Boutefeux n’était plus à démontrer et le caractère vindicatif
du baron Raoul ne s’inscrivait guère en faux contre elle.
    L’air maussade, assis sous le blason
familial surmonté d’une couronne de baron et faisant figurer côte à côte une
torche enflammée et une épée entrecroisées, et un fief sur fond d’argent au bas
duquel on pouvait lire l’ancien cri de guerre devenu devise : « Ça
arde » (ça brûle), le baron prenait une leçon de civilité en prévision de
sa prochaine présentation à la Cour. Bien que son amour-propre en souffrît, il
admettait être plus à son aise à la chasse aux loups que dans un salon :
aussi, sur les injonctions répétées de sa mère, avait-il loué les services d’un
jeune maître de cérémonies ruthénois qu’il écoutait prodiguer ses conseils
d’une voix maniérée.
    — La grâce, Monsieur le Baron,
doit paraître naturelle. Vous posséderez cet art à la perfection quand nul ne
soupçonnera plus sa pratique.
    Le baron suçota l’une de ses
mauvaises dents et cracha machinalement sur le plancher, écrasant son jet de
salive d’un mouvement tournant du pied.
    Le jeune maître de cérémonies eut un
regard découragé vers la vieille baronne qui égrenait son chapelet à côté de
Guillaume, le futur baron de Bellerocaille. Le garçon cachait mal son ennui en
s’amusant à arracher les pattes d’une mante religieuse dénichée dans les joncs.
    — On vous a
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