De quoi sont-ils vraiment morts ?

présenter ce premier livre, s’inscrit à l’évidence dans la tradition de noble vulgarisation ouverte par Cabanès. Mais il m’a semblé qu’il allait plus loin. Certes, comme le bon Quercynois, il relit les textes anciens, à la recherche du moindre indice propre à éclairer la médecine. Très au fait de l’historiographie, il n’ignore rien des conclusions livrées par ses devanciers quant aux causes de la mort de tel ou tel grand personnage. Seulement, il dispose aujourd’hui, à l’appui de diagnostics parfois neufs, de tous les perfectionnements, de tous les affinements, qu’a connus la science médicale depuis un bon siècle.
    Deblauwe pourrait s’en tenir à cela ; ce serait mal connaître son goût du contexte et sa passion pour l’histoire du quotidien – tellement développée en Allemagne, tellement négligée de ce côté du Rhin... Ses différents chapitres sont autant de plongées dans le passé, à la recherche des pratiques d’autrefois, des croyances, du rapport au corps, à l’hygiène, à la pharmacopée... Qu’il évoque les misères génitales de François I er ou le suicide manqué de Robespierre, la pleurésie purulente de Mlle de Fontanges ou la tuberculose pulmonaire massive du malheureux Aiglon, ce médecin se fait volontiers sociologue ou ethnographe ; il ne manque pas une occasion de nous faire toucher du doigt l’épaisseur de chaque époque.
    Me permettrai-je seulement une réserve ? Elle a trait à la mort de Louis XVII. Comme la plupart de nos contemporains, Jacques Deblauwe me paraît accorder une importance excessive aux analyses de l’ADN de ce fameux cœur, censé provenir de l’autopsie pratiquée au Temple par le chirurgien Pelletan. Il nese pose pas, me semble-t-il, assez de questions quant à la provenance exacte de cet organe. Dès lors – en contradiction avec ce qu’il écrit lui-même, plus haut, dans son chapitre –, il en vient à conclure que l’énigme du Temple serait à jamais résolue… Je suis loin de le suivre sur ce terrain, et regrette d’autant plus cette – unique – dissension entre nous que son ouvrage s’inscrit directement dans la lignée de ces recueils d’érudition aimable et vive qu’écrivaient jadis – notamment sur le cas Louis XVII – un Lenôtre ou un Castelot.
    Si l’on excepte donc ces trois ou quatre paragraphes, je souscris volontiers aux analyses du docteur Deblauwe et m’en remets aveuglément à ses avis pour tout ce qui regarde un art médical où je n’ai nulle compétence. Puissent les lecteurs qui viennent d’ouvrir cet ouvrage prendre à le lire autant de plaisir que j’en ai eu moi-même ! Et qu’ils gardent bien à l’esprit que, derrière les examens médicaux, indiscrets voire impudiques, auxquels le diagnosticien soumet nos grands ancêtres, ce n’est pas la mort qui se cache, mais bien la vie – la vie persistante, la vie résistante, la vie sous ses multiples facettes.
    FRANCK FERRAND

Bibliographie
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