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Crucifère

Crucifère

Titel: Crucifère
Autoren: David Camus
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lui parut plus inhospitalière qu’au sortir des marais. Le grondement du Nil, les relents de pourriture et de mort émanant des marais, la rumeur de la forêt – de l’autre côté du gouffre. Tout cela conspirait contre elle, visait à la détruire.
    Elle se sentit gagnée par un début de panique, puis se morigéna. « Allons », se dit-elle. « Il doit y avoir une explication… »
    Se dirigeant vers le pont de lianes qui franchissait le précipice, elle repensa à son père. « C’est lui qui l’a construit », se dit-elle en attrapant l’une des lianes qui courait d’un bout à l’autre du gouffre. Pour elle, son père était un passeur. Un nocher. Un nautonier. Dans sa jeunesse, Morgennes avait bâti un pont de pierre permettant de franchir un fleuve qu’on disait sans amont ni aval. Peu avant de mourir, il avait fait pareil. C’était comme si la vie de Morgennes avait elle-même été un pont. Entre le passé et l’avenir. Entre ses propres parents et sa fille, Cassiopée.
    « Ce que mon père a entrepris, je dois le continuer. » Elle eut alors la conviction que l’œuvre de son père s’inscrivait dans la continuité de celle de ses grands-parents. « Qui étaient-ils ? » se demanda-t-elle. « Qui pourra me renseigner ? »
    Cassiopée s’engagea sur le pont de lianes. Chacun de ses pas le faisait craquer, et quand ses regards se portaient vers les eaux bouillonnantes du Nil, elle craignait d’y tomber. Elle s’accrocha aux lianes qui soutenaient le pont, déterminée à ne pas échouer, pas maintenant. « J’arrive, Emmanuel, j’arrive ! »
    Quand elle eut franchi le Nil, elle se retrouva face à la jungle. Le passage qu’elle avait emprunté pour arriver jusqu’ici avait disparu. Partout, la nature avait repris au vide les territoires que Cassiopée, Emmanuel et Simon lui avaient arrachés à coups d’épée. « Où aller ? »
    Une ombre passa sur son visage. Cassiopée leva les yeux, et vit – juste au-dessus d’elle – son oiselle, flottant majestueusement dans les cieux. Elle leva la main pour la saluer, et l’oiselle poussa un cri chaleureux. Puis se laissa choir telle une pierre vers Cassiopée, pour se poser sur son poing dressé.
    — Je suis si heureuse de te revoir, dit-elle à Galline en lui caressant la tête. Tu m’as beaucoup manqué.
    L’oiselle cligna des yeux, poussa un petit cri, puis ouvrit et referma ses serres sur le poing de Cassiopée – façon pour elle de lui dire qu’elle aussi était heureuse de la retrouver, et qu’elle avait eu très peur de ne jamais la revoir.
    — On ne se quittera plus. C’est promis.
    L’oiselle enfouit sa tête dans la poitrine de Cassiopée, et y resta sans bouger le temps de cinq ou six battements de cœur. Cassiopée en profita pour caresser ses plumes, en admirer une nouvelle fois le magnifique mélange de gris et de bleu. « Tu as maigri », constata-t-elle. « Depuis combien de temps m’attends-tu ? »
    L’oiselle redressa la tête et se laissa tomber du poing de Cassiopée. Ailes déployées, elle s’éleva rapidement dans les airs, rappelée au ciel comme si un fil invisible l’y avait happée. Elle y décrivit plusieurs lents vols planés.
    « Essaies-tu de me dire que cela fait plusieurs jours ? »
    L’oiselle poussa un cri.
    « Plusieurs semaines ? »
    L’oiselle redescendit vers Cassiopée, puis remonta brusquement en direction de la forêt. De nouveau, le regard de Cassiopée se porta vers l’épaisse muraille végétale qui obstruait la jungle, et d’où seules émergeaient des touffeurs et des odeurs de verdure.
    « Cela expliquerait pourquoi les soldats ne nous ont pas attendus. D’ailleurs, qui sait s’ils ne sont pas entrés dans les marais, eux aussi, pour nous y rechercher… »
    Elle eut un instant la tentation de retourner à Noir Lac. « Seuls, sans armure, ils n’ont aucune chance… »
    Mais si plusieurs journées – ou, pis, plusieurs semaines – s’étaient effectivement écoulées depuis qu’elle s’y était aventurée avec Simon, alors il n’y avait plus aucun espoir. Ils étaient morts. Ou transformés en arbres. « Dieu ait votre âme », pensa-t-elle. « Ou qui que ce soit qui règne sur ces marais. » Elle longea la forêt, à la recherche d’une trouée assez large pour lui permettre de passer. Elle marcha vers le nord, dans l’espoir d’atteindre la côte, mais se heurta rapidement à un mur de troncs et de lianes mêlés,
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