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Crucifère

Crucifère

Titel: Crucifère
Autoren: David Camus
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d’une vingtaine d’années auparavant.
    « Papa. Je vais enfin rencontrer ta sœur, ma tante ! »
    Fermant les yeux, le cœur battant à tout rompre, Cassiopée croqua le champignon puis l’avala entièrement. Elle s’étendit de tout son long dans la vase, comme dans les bras d’Emmanuel, et s’endormit.
    « Cassiopée ? »
    Une voix l’éveilla. Elle ouvrit de grands yeux et regarda autour d’elle. Où se trouvait-elle ? Tout était noir, d’un noir impénétrable, comme si la lumière n’avait pas encore été inventée. C’était une nuit lac. Une de ces nuits où l’on se désespère de toucher la vase, parce qu’il n’y a pas de fond et que nos jambes ont disparu. Une de ces nuits dont les eaux sont si noires et si empoisonnées, si peuplées d’algues et de périls, que ceux qui par malheur y sont plongés ne peuvent en réchapper. Ils n’appartiennent plus au monde des vivants. Ils sont de l’autre côté. Fantômes errant perpétuellement insatisfaits, dans une nuit où tout est nuit.
    « Où suis-je ? » s’interrogea Cassiopée, un goût de limon dans la gorge. Mais ce croassement, était-ce sa voix ? Elle n’était plus sûre de rien. Elle se toucha le corps, les bras, les mains… C’était bien elle. Craignant le pire, elle se toucha les yeux puis la bouche. Non, pas de doute. Elle avait bien les yeux ouverts. Et sa lèvre inférieure trembla quand son doigt l’effleura.
    « Il y a quelqu’un ? »
    « Cassiopée ? »
    La voix lui était familière. C’était une voix d’homme, monocorde et grave.
    « Papa ? »
    « Cassiopée ? »
    « Papa ! » s’écria-t-elle.
    Il n’y eut pas de réponse.
    C’est alors qu’elle comprit. Il ne servait à rien – si c’était lui – de l’appeler ainsi. Morgennes ne savait pas qui elle était pour lui. Alors elle cria :
    « Morgennes ! »
    Un spectre se dressa devant elle. Il avait les traits de son père, mais était d’une pâleur mortelle. Ce qui n’empêcha pas Cassiopée de se précipiter vers lui, pour le prendre dans ses bras. Le spectre se laissa faire, mais ne réagit pas. Avait-il oublié comment on étreignait ? L’avait-il jamais su ?
    « Papa ! » s’écria-t-elle. C’était plus fort qu’elle, il fallait qu’elle le répète, qu’elle le lui hurle. Là. En face de lui. Il devait savoir.
    L’ombre leva une main tremblante vers Cassiopée, et lui caressa le visage. « Cassiopée ? Tu es ma fille ? »
    « Je suis ta fille », dit Cassiopée en lui prenant la main pour l’embrasser. « Celle que tu as eue autrefois, avec Guyane de Saint-Pierre. »
    « Guyane », dit-il avec une lenteur extrême, comme si ce nom évoquait un mélange infini de joies et de souffrances. « Je me souviens… Elle m’a manqué. Elle me manque encore. La femme qui n’existait pas… »
    Le spectre de Morgennes se pencha sur Cassiopée, et des larmes irréelles lui tombèrent dans les cheveux.
    « Et toi aussi tu m’as manqué, enfant que je n’ai jamais connue. »
    Ils restèrent ainsi un certain temps, lovés l’un dans l’autre, à essayer de se donner une affection, une chaleur qu’ils ne s’étaient jamais données de leur vivant. Mais le temps leur était compté – Cassiopée en avait le pressentiment. Par ailleurs, elle ne comprenait pas pourquoi c’était Morgennes et non sa tante qui était venu.
    « Est-ce toi qui m’apparais, ou moi qui t’imagine ? » demanda-t-elle.
    « Quelle différence ? »
    « Je veux savoir si c’est vraiment toi ! »
    « Écoute ce que dit ton cœur. »
    « Alors c’est vraiment toi. C’est donc ici, l’Enfer ? »
    « Comment cela pourrait-il être l’Enfer, alors que tu t’y trouves ? Cassiopée… »
    Elle se cramponna à lui de toutes ses forces, lui enfonçant ses ongles dans le dos, l’étreignant de telle sorte qu’aucun Dieu, aucun démon, ne puisse jamais le lui arracher.
    « C’était donc toi, poursuivit Morgennes, la force qui m’empêcha de sombrer… Si je suis là aujourd’hui, c’est, grâce à toi. »
    « Puis-je te sortir d’ici ? »
    « Je ne le crois pas. »
    « Mais j’ai besoin d’un père ! » hurla-t-elle, entre deux sanglots.
    Morgennes lui prit doucement le visage entre les mains, la regarda dans les yeux et lui dit :
    « Mais tu n’es plus une enfant… Le seul père dont tu as besoin, aujourd’hui, c’est celui de tes propres enfants, et il s’appelle Emmanuel. »
    Il
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